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mardi, 26 octobre 2010

En faim, le baiser qui tut parle

Outre ses cheveux fins et blonds comme les rayons du soleil, son sourire, les battements éclectiques de son cœur, sa malice et son angoisse féminine, Annie était tout simplement la femme la plus baisable que j’ai rencontrée de ma vie… et qui me le rendait bien ! Elle est aussi grande que moi, blondinette, un agréable visage et sourire, pas grosse, les fesses juste ce qu’il faut pour être très jolie : ni garçonne ni popotin, et ses seins ont grossi assez fortement lors de notre fréquentation. Et c’est là que se pose le problème : la satisfaction sexuée. Car, cette satisfaction et ses conséquences la gênaient beaucoup : de voir ses seins devenir si beaux la dérangeait, de même que de voir son visage s’adoucir, d’avoir envie de laisser pousser ses cheveux, de porter des robes ! et peut-être même des jupes : de devenir un peu plus féminine, en somme.

Je me pose la question souvent de savoir ce qu’une femme a besoin de guérir en moi qui lui fait me fréquenter : il me semble que, pour cette fois-ci, la guérison venait de moi et qu’elle a été refusée pour ses conséquences. Car la féminisation de la femme conduit à plus de féminin encore, c’est-à-dire à devenir amoureuse à cause de ce féminin et non plus seulement à cause d’une idée directrice, si je puis dire, morale. Si Annie a reconnu en moi une part de son « masculin » qu’elle pouvait exprimer, elle a reconnu que ce masculin implique SON féminin pour s’exulter et cela l’a gênée. Je me souviens d’un rendez-vous à la campagne où nous devions passer une semaine ensemble. Je dois préciser qu’elle était mariée mais que son mari ne l’avait pas touchée depuis les deux ans, au moins, précédant notre rencontre… alors qu’ils dormaient dans le même lit. J’ai un peu tiqué, intérieurement, sur ce fait, car, généralement, la disposition d’un tel refus vient de la femme (un homme quitte le lit lorsqu’il ne veut plus de sa compagne) et j’ai trouvé comme un trait de sadisme à se refuser de si près puisque déductivement, son homme, toujours dans ce lit, attendait d’elle son ouverture. Mais enfin… lorsqu’on trouve une telle femme, il est bien difficile de ne lui  pas laisser comme des flous volontairement entretenus pour profiter de ce que l’on a, sur le champ et qui vous donne tant de plaisir partagé. Cette fois-là, donc, à la campagne, Annie a été complètement sèche, tant des lèvres du haut que celles du bas et les baisers impossibles à poser : la culpabilité était si forte de pouvoir prendre tant de liberté sexuelle – aller avec un amant pour profiter de son amour – aussi bien vis-à-vis de son mari que de ses enfants (qui devaient, dans cette tournure d’esprit, prendre un soupçon d'illégitimité) – tout cela lui a été insupportable. La liberté du vivre est insupportable pour la culpabilité.

Et puis, j’avais remarqué que plus nous avions de plaisir au lit (ou ailleurs, comme couple) et plus une forme pernicieuse de distanciation s’opérait. Je l’avais prévenue du fait que l’orgasme, lorsqu’on n’y est pas trop habitué, fait peur, que l’on doit absolument le savoir pour pouvoir remarquer les réponses négatives que l’on peut avoir vis-à-vis de l’amour qu’on éprouve et qui se trouve dégradé pour des raisons ; et par des réactions ambiguës d’acceptation, de pleurs et de dénégation alternativement qui sont le pendant de la bataille qui se mène en vous de l’acceptation pleine de ce que vous vivez de bon, d’adapté à vous et vos besoins, opportun. Mais, quoi qu’on dise, il faut un sacré caractère déjà porté sur le plaisir pour réagir favorablement à de telles recommandations parce que, généralement, suivant les dispositions de cette société vis-à-vis du plaisir (genre ce qu’entend wikipédia de l’orgasme, de l’hétérosexualité, de la pornographie) le départ est faussé, et de loin pour une arrivée plus heureuse. Ainsi, on ne remarque pas qu’on adopte des attitudes sensiblement « hystériques » sur des points de détails qui ont, certes, une base légitime, mais dont on ne perçoit pas immédiatement que l’adoption est négativante, comme un ballon (le détail) trop gonflé qui éclate au moindre contact (le baiser) et vous fait refuser la sensation du don et de sa perception. Attention ! je ne suis pas bête : cet argument ne cache pas mes propres incapacités à donner de l’amour, à comprendre les besoins de mon amante et à m’y adapter ! Il s’agit du laisser-aller confiant, comme un don de soi au plaisir que l’on éprouve et que l’on doit mettre bien plus haut que bien des contingences qui jouxtent souvent des rejets de ce que l’on vit, ici & maintenant, comme quasiment inacceptables du point de vue de la morale que l’on n’oublie pas comme étant celle du sacrifice (dont l’Économie marchande est la démonstration parfaite). D’ailleurs, dans le cadre de cette morale, tant que la femme reste dans ce sacrifice, elle y trouve raison et autorisation de plaisir : cette société ne lui laisse que cette forme de légitimité (mais à la fois, lorsqu’elle regimbe à cette obligation, elle oublie aussi que tous les hommes ne sont pas totalement en faveur d’une telle morale et qu’ils éprouvent, eux aussi, des difficultés à s’y soustraire !).

J’avais, pour moi, rencontré en Annie, LA femme. Il n’est pas aisé de comprendre qu’un homme est un être entier, qu’on a cela parce qu’il est ceci à côté, en bon ou en moins bon et que l’amour vécu relie entre elles ces parties que l’on croyait éparses et que c’est avec grand plaisir que cela se passe. Il en est de même de la femme, bien évidemment, mais avec SA spécificité sociale. Ce n’est que tout dernièrement que j’ai compris pourquoi je l’aime tant et qu’elle me reste tant en mémoire (qui est chez moi physique) : parce que Annie est la femme la plus baisable que j’ai jamais rencontrée de ma vie (ce qui signifie, pour les obtus : celle que je peux le mieux aimer et dont j’éprouve le plus de plaisir à aimer et vivre AVECsi le plaisir est une cause, il est aussi une conséquence) ; et je comprends aussi pourquoi j’en ai tant de nostalgie jusqu’à me dire que cette séparation est une bien grande punition que m’inflige la vie, punition que je ne comprends évidemment pas, mais qui est là quand même. Je ne nie pas que je suis moi-même un peu compliqué et que mes calculs sont assez souvent nébuleux, encore qu’avec Annie, j’ai adopté comme ligne de conduite de toujours peser le bon que j’en recevais, de tout ce que je pouvais trouver de séparateur, et il y en avait : l’un surpassant l’autre, je n’ai eu aucun choix à faire. Je ne peux pas dire que ce genre de sacrifice (ceci contre cela) à l’amour a été trop loin en balance de ce plaisir et qu’en conséquence, il ne tient qu’à moi d’en pâtir, effectivement. Mais je sais aussi que celui-ci qu’elle a fait en pleurant à chaudes larmes de renier le plaisir que nous avions ensemble, sacrifice basé sur le contradictoire de devoir choisir entre une « fidélité » à son mariage (dont elle exclut sa sexualité) et le bonheur d’un homme (illégitime puisque non socialisé) et ce paraître femme débauchée car tant versée sur l’amour dit « physique », en préférant, aujourd’hui encore (ce me semble) vivre seule plutôt que bouleversée, me spolie d’un présent de la vie dont j’aurais pu parfaitement profiter.

Et je vais vous dire pourquoi : quand LA femme en arrive à un tel point de participation à l’acte d’amour qu’importe le moment ou le lieu qu’il en est très généralement réuni de la satisfaction car le commun ne se pose plus comme question mais se manifeste comme certitude, il y est perçu comme une humiliation d’être moralement tombée si BAS ; et c’est faire faute, corrélativement, à ce que son homme perçoit de soi qui ne correspond pas à ce qu'on attendait de si haut et qu'il vous arrive de partager pourtant. Pareillement du rire, de la cuisine, de la beauté des choses ou d’autre ; et qu’à la compréhension que le défaut de satisfaction provient d’un entêtement à dire un muet « Non ! » et de ses conséquences qui vous suspendent à une incompréhension qui vous dépasse, on s’aperçoit tout à coup du LIEN qui vous retient et qui peut facilement devenir une chaîne au bout de laquelle, non pas allégé par une plume, mais balourdisé par un boulet, comme ce muet « Non ! » qui vous oblige à la traîne… on a peur que cela soit. Ce « Non ! » muet n'est que rarement relatif à l'amour des corps ou des âmes, mais toujours à des choses du quotidien : c'est là qu'est le paradoxal : l'attente du désir confronté au besoin, des représentations devant lesquelles on ne sait quoi faire, auxquelles on ne s'attendait pas et qui ne correspondent pas à ce qu'on attendait de soi dans la vie. C’est un manque flagrant de confiance en la vie, en soi, en l’autre (le contexte social y est pour énormément). Et c’est pourtant cette fragilité qui vous a permis cette ouverture à propos de laquelle on ne reste toutefois que sur le seuil.

On retombe alors dans cette faculté du pardon face à la perte irrémédiable, à la façon de la réparation qui vous laisse désappointé souvent, que l’on égare pour ne plus savoir les réaliser et vous donne ce sentiment d’impuissance devant cet amour que vous éprouvez comme un claudiquant… que vous ne voulez plus être par amour-propre. Soupire. Pour moi, tout cela est une erreur, bien sûr, car fondé sur des dispositions relatives à sa position sociale que l'on ne veut pas perdre, alors qu'on ne perd rien, sinon qu'une image, un paraître qui semble, je dis bien semble, d'une importance telle qu'elle vaut toutes les autres pertes ; comme le cinéma 3D n'est que la colorisation de l'ombre.

dimanche, 03 janvier 2010

Les violences faites aux femmes... par les médecins

Je vous fait part d'un article de Martin Winckler, sur la violence faite aux femmes par les services médicaux.

A l’occasion de la journée consacrée aux violences faites aux femmes, je publie ici un article que j’avais écrit pour "Le Livre Noir de la condition des femmes" (XO éditions, 2006) et qui avait été refusé par les directrices d’ouvrage. Il décrit les violences faites aux femmes par ceux et celles qui en principe devraient les soigner : des médecins.

Que les femmes soient maltraitées par certains médecins, trop nombreux, et qui ne sont jamais dénoncés, cela semble évident quand on lit les innombrables témoignages qui figurent sur ce site.

Que dans les écoles de médecine françaises, on n’attire pas l’attention des étudiants sur les violences, volontaires ou non, qu’on peut infliger aux patients, et encore plus aux femmes (qui sont les plus nombreuses dans les consultations) lorsqu’elles consultent spécifiquement pour un problème de santé féminin (sexualité, désir ou non désir de grossesse, contraception, etc.) cela me paraît au pire, monstrueux, au minimum une marque de mépris.

La première obligation d’un soignant consiste à entendre les demandes et à définir (avec elle, avec lui) les besoins d’un patient. En matière de gynécologie courante, c’est malheureusement loin d’être la règle, comme on pourra en juger en lisant cet article.

Contraception, IVG, Grossesse et accouchement : Les violences infligées aux femmes en France

Si le respect qu’une culture ou un pays porte aux femmes se traduit par la représentation de celles-ci dans ses fictions télévisées, il n’est pas moins évident lorsqu’on observe le comportement ou le discours de ses médecins à l’égard des femmes qui les consultent.

En France, comme probablement dans l’ensemble des pays industrialisés, soixante-dix pour cent des personnes qui consultent un médecin sont des femmes. Les femmes consultent pour elles (puberté, troubles du cycle, contraception, grossesse, suivi et traitement de la ménopause) mais aussi pour et avec leurs enfants, dont elles sont à la fois les gardiennes, les soignantes et les accompagnatrices ; pour leur mari (qu’elles poussent chez le médecin ou dont elles viennent parler lorsqu’il ne veut pas venir) et pour leurs parents âgés et/ou malades.

Dans la demande de soins, les femmes occupent donc une place centrale, incontournable. Dans la délivrance de soin, c’est la même chose : elles constituent d’ores et déjà la majorité des soignants de toutes catégories puisque actuellement plus de 50 % des médecins français de moins de 35 ans et 60 % des étudiants en médecine sont des femmes, tandis que toutes les autres professions de santé sont en grande majorité féminines.

Cette situation est pourtant le lieu d’un étrange paradoxe : la plupart des personnes qui demandent des soins sont des femmes et cette population est, de fait, soignée par des femmes (celles entourent ou accompagnent les personnes demandant des soins font, à mon sens, elles aussi partie des soignants puisqu’elles exécutent, relaient ou surveillent les traitements prescrits), mais le(s) traitement(s) qui leur sont réservés - et on peut le dire, infligés - par bon nombre de médecins, hommes et femmes, est loin de leur montrer le plus élémentaire respect.

L’accès au soin, c’est d’abord l’accès à l’information et le libre choix des soins. Les femmes françaises n’ont pas accès à l’information et au libre choix auxquels elles ont droit : le plus souvent, les médecins ne répondent pas à leurs interrogations. Quand ils répondent, ils le font avec idéologie ou préjugé - quand ce n’est pas de manière parfaitement vénale.

A l’automne 2005 (alors que je rédigeais ce texte) entre autres questions, des femmes m’ont demandé
- s’il est normal que les médecins insistent pour leur examiner les seins et leur faire un examen de l’utérus et des ovaires chaque année (voire plusieurs fois par an) pour leur prescrire une contraception ?

Non, ça ne l’est pas. Aucun examen (pas même biologique) n’est nécessaire avant l’âge de 25 ans et, même après cet âge, l’examen des seins avant 35 ans et l’examen gynécologique en dehors de tout symptôme ni obligatoire, ni même utile d’un point de vue médical.

- s’il est normal qu’un gynécologue les fasse payer 60 Euros (non remboursés) la pose d’un implant contraceptif ?

Non ça, ne l’est pas : la pose est coté moins de 13 Euros ; le retrait est coté 42 Euros. Demander une somme démesurée pour un geste aussi simple est crapuleux et illégal. (Mais il n’y a pas si longtemps, certains confrères de mon département posaient et retiraient encore des DIU sous anesthésie générale ! ! ! )

- s’il est normal qu’on leur prescrive 2 semaines de progestatifs par mois en guise de contraception ?

Non, ça ne l’est pas : il faut en prendre au moins 3 semaines par mois pour être protégée. Mais beaucoup de médecins ne savent pas comment prescrire une contraception par progestatifs parce qu’ils n’en connaissent pas les principes les plus élémentaires.

- s’il est normal qu’on leur refuse un DIU (dispositif intra-utérin, ou « stérilet ») sous prétexte de « risque de récidive » d’une infection sexuellement transmissible guérie datant de... 12 ans ?

Non, ça ne l’est pas, d’autant que la femme en question avait, depuis, eu deux enfants sans problème...

- s’il est normal qu’on veuille leur enlever tout l’utérus alors qu’elles présentaient deux petits fibromes ?

Non, ça ne l’est pas, surtout chez une femme de moins de 40 ans qui désire avoir une autre grossesse. On peut très bien retirer un fibrome de l’utérus sans amputer une femme. Mais les médecins français font plus d’hystérectomies que les médecins britanniques, hollandais ou suédois...

- s’il est normal qu’on leur impose un délai de plusieurs semaines entre le moment où on retire un DIU et celui où on leur en pose un autre ?

Non, ça ne l’est pas : il n’est jamais urgent de retirer un DIU (certains peuvent être laissés en place 10 ans ! ! !) et on peut procéder à la substitution en une fois, sans délai. A La femme qui m’a posé cette question avait demandé une contraception de transition à son gynécologue, qui a refusé de lui en prescrire une et lui a répondu « Vous pouvez bien vous abstenir en attendant le prochain rendez-vous ». A la suite d’un échec de préservatif, elle s’est retrouvée enceinte et a dû recourir à une IVG. Le gynécologue, va bien, merci et sévit toujours.

- s’il est normal, lorsqu’une femme de 35 ans demande une contraception, qu’on lui réponde « qu’il serait temps, à son âge, qu’elle ait enfants ! » et si, quand elle repond ne pas en vouloir encore, qu’on cherche à la culpabiliser en lui disant que lorsqu’elle « sera stérile elle ne vienne pas pleurer pour qu’on lui en fasse un » ?

Non, ça ne l’est pas. L’âge auquel une femme décide d’avoir des enfants ne regarde qu’elle et son compagnon. Le médecin n’est pas là pour lui donner des leçons de vie. Il est là pour l’aider à la vivre au mieux, comme elle l’entend. Et une femme peut avoir des enfants jusqu’à l’âge de la ménopause. C’est son droit et les médecins n’ont pas de jugement à porter sur ce point.

La diversité de ces questions montre à quel point la profession médicale française est mal formée et informe mal : toutes les notions dont il est question ci-dessus sont parfaitement connues et répandues dans le monde entier au moyen de sites internet ou de revues en ligne d’accès gratuit parfaitement officiels et validés scientifiquement car la santé des femmes est un problème de santé publique partout sur la planète.

Tout médecin français aujourd’hui possède un ordinateur. Celui ou celle qui désire s’informer le peut. Un praticien qui ne s’informe pas - ou qui élude les questions au motif qu’il ne veut pas y répondre - est en infraction avec le code de déontologie qui stipule clairement que tout médecin doit tenir ses connaissances à jour et donner aux patients une information complète, précise et loyale.

Beaucoup trop de médecins français, en matière de contraception et de gynécologie, ne sont ni scrupuleux dans leur formation continue, ni précis dans l’information qu’ils délivrent, ni loyaux dans les décisions qu’ils imposent.

Je m’en tiendrai ici à ce qui concerne les femmes elles-mêmes, au fil de leur vie et des étapes qui les amènent à consulter un médecin. La particularité de ces étapes est que, le plus souvent, la femme qui consulte n’est pas malade. L’attitude de certains médecins vis-à-vis de citoyennes qui ne sont, en aucune manière, diminuées ou inaptes à décider pour elles-mêmes est donc tout particulièrement choquante.

Contraception : une vision machiste de la sexualité

En 2001, j’ai publié Contraceptions mode d’emploi, le premier manuel pratique de la contraception destiné au grand public . Vendu à une quinzaine de milliers d’exemplaires, il a suscité un intérêt croissant de la part de ses lectrices, et encore plus depuis la création d’un site internet personnel , dans les pages duquel la contraception occupe une place importante.

Depuis l’été 2003, je reçois ainsi chaque semaine des dizaines de messages qui constituent une bonne indication d’une situation assez éloquente : de nombreuses femmes, lorsqu’elles consultent pour une situation faisant somme toute partie de la vie, ne reçoivent pas des médecins toutes les informations qui devraient leur être données.

La plus grande source d’étonnement en ce domaine réside dans la réaction de beaucoup de femmes qui, lorsqu’on évoque un livre ou un site consacré à la contraception, répondent qu’elles « savent tout ce qu’il y a à savoir sur le sujet ». La lecture du livre ou la visite du site provoquent une réaction totalement opposée : « On ne m’avait jamais dit tout ça ! » Le « tout ça » désignant le plus souvent l’efficacité et l’innocuité des méthodes, la manière de les utiliser, les risques encourus, les complications possibles (et, le plus souvent rare), les choses à savoir pour ne pas vivre dans l’angoisse, etc.

Ainsi, la plupart des femmes ignorent qu’il y a plus d’échecs de pilule que d’échecs de DIU (dispositif intra-utérin, le mal-nommé « stérilet » car il ne rend pas stérile du tout) ; elles ignorent ce qu’il faut faire quand on oublie sa pilule ; elles ignorent que les « règles » sous pilule sont un artifice dont on peut se passer ; elles redoutent cancer, MST et stérilité alors que le risque n°1 est la grossesse non désirée ; elles pensent qu’il est interdit à une femme sans enfant de porter un DIU...

L’ignorance de ces notions pourtant élémentaires qui, dans des pays comme l’Angleterre, les Pays-Bas ou la Suède, sont enseignées aux adolescentes dès l’école primaire, n’est pas seulement dommageable pour la vie des femmes, elle les contraint à s’en remettre aux médecins pour faire des choix qu’elles devraient pouvoir opérer elles-mêmes. Aujourd’hui, lorsqu’on lui présente toutes les méthodes contraceptives existantes, une femme est parfaitement à même de choisir celle qui lui convient, à un moment donné.

Les recommandations de l’OMS et des organismes internationaux impliqués dans la diffusion des moyens de contrôle des naissance sont claires : contrôler sa fécondité est, pour chaque femme, le premier pas vers l’amélioration de son niveau de vie, de santé et d’éducation. On ne peut en effet pas acquérir une formation professionnelle, conserver une bonne santé et faire des études si l’on est enceinte ou chargée de petits enfants en permanence.

À l’inverse, les femmes qui contrôlent leur fécondité voient leur niveau d’éducation, leur niveau de compétence et leur revenu s’élever. Le corollaire est donc simple : pour améliorer son niveau de vie, chaque femme doit pouvoir maîtriser sa fécondité, disposer du plus grand nombre de méthodes contraceptives possible, et choisir la sienne.

C’est d’ailleurs l’un des messages les plus importants que l’on peut lire au tout début des recommandations publiées par l’ANAES (aujourd’hui, Haute Autorité de Santé) en décembre 2004 :

« 1. La différence possible entre l’efficacité optimale des méthodes contraceptives (celle des essais thérapeutiques) et leur efficacité en pratique courante constitue un argument fort pour que la femme et le couple soient impliqués dans un choix adapté à leur réalité quotidienne.

2. Laisser les personnes choisir une méthode contraceptive est associé à une plus grande satisfaction des personnes ainsi qu’à une utilisation plus élevée des méthodes. La littérature souligne l’importance de considérer le couple dans la démarche contraceptive et de prendre en compte l’accord du partenaire. »

Or, pour laisser une personne choisir (et prendre en compte l’avis de son partenaire), il faut, c’est évident, lui offrir ce choix. La plupart des médecins, gynécologues ou généralistes, ne le font pas. Si deux tiers des femmes utilisant une contraception en France ont recours à la pilule combinée (contenant estrogènes et progestatifs), c’est parce que les médecins ne savent prescrire que cela. Sur les six méthodes dont l’efficacité est supérieure à 95 % - de nombreuses études scientifiques l’ont montré - DIU et implant contraceptif sont des méthodes plus fiables , plus confortables , et plus économiques qu’une pilule combinée.

De leur côté, les progestatifs seuls, moins dangereux après 35 ans que la pilule combinée (qui contient aussi un estrogène) sont aussi efficaces, mais rarement prescrits. La fiabilité d’une méthode n’est pas seulement fonction de son efficacité théorique, mais de son confort d’utilisation. Mais de confort, il est rarement question au cours des consultations de contraception en France.

Ainsi, nombreux sont les gynécologues qui ne veulent pas poser d’implant « faute de recul » (alors que le recul d’utilisation est supérieur à 20 ans partout sur la planète...) ou qui refusent de poser des DIU à des femmes sans enfant, arguant qu’il s’agirait d’une méthode dangereuse pour la fécondité alors que toutes les études menées dans les pays en développement (où DIU et implant, pour des raisons économiques, sont bien plus largement utilisés) montrent qu’il n’en est rien.

En dehors même de ce manque flagrant de rigueur scientifique, les idées reçues ne sont presque jamais rectifiées par les professionnels de santé, qui ont constamment tendance à diaboliser les méthodes contraceptives de manière insupportable. Ainsi, les risques de cancer liés à l’utilisation de la pilule sont réels, mais très limités et bien moins importants que ceux du tabac sur les poumons ou du soleil sur la peau, et disparaissent chez les femmes qui cessent de prendre ces pilules à 35 ans - ce qui est le cas de la majorité d’entre elles.

En revanche, la contraception orale protège contre deux cancers très graves (ovaire et endomètre - corps de l’utérus) - mais cette information est rarement donnée. Au total, tous risques confondus, l’utilisation des méthodes contraceptives est bénéfique à la santé des femmes.

L’ignorance de ces notions scientifiques démontrées (et consensuelles partout sur la planète, sauf dans le milieu médical français) est source de catastrophes.

Ainsi, les risques liés à l’association pilule + tabac ne sont préoccupants qu’après 35 ans, mais on continue à interdire aux adolescentes qui fument de prendre une contraception orale, les condamnant ainsi à recourir au préservatif comme seule protection contre une grossesse non désirée. Si l’on sait que l’utilisation du préservatif cesse d’être systématique dès que les jeunes femmes ont une relation stable, et qu’elles ignorent le plus souvent qu’un rapport sexuel peut être fécondant à n’importe quel moment du cycle, on se dit que parfois, le corps médical semble se comporter comme s’il voulait absolument à ce que les femmes soient enceintes... ou à ce qu’elles s’abstiennent de toute activité sexuelle lorsqu’elles n’y tiennent pas.

Une enquête de N. Bajos publiée en 2003 nous apprend que si les deux tiers des grossesses non désirées surviennent chez des femmes utilisant des méthodes de contraception ( !) c’est principalement parce que les utilisatrices n’en connaissent ni le mode d’emploi, ni les effets secondaires et cessent de l’utiliser (puisqu’il s’agit le plus souvent d’une contraception orale) par manque d’information.

Ce manque de respect envers les femmes commence dès l’adolescence. Ainsi, un examen gynécologique n’est ni indispensable, ni même utile pour prescrire une contraception à une jeune femme en bonne santé. Jusqu’à 30 ans, la prise de la tension et un questionnaire très simple suffisent à éliminer l’unique domaine de risque (vasculaire) chez toutes les femmes.

Le frottis destiné à dépister les cancers du col n’est recommandé qu’à partir de 25 ans. Le dosage du cholestérol n’a pas a être pratiqué plus d’une fois avant l’âge de 40 ans. Mais les manuels de médecine continuent à imposer examen gynécologique, examen des seins et prises de sang (pluri-)annuelles - toutes conditions qui dissuadent un grand nombre d’adolescentes de consulter, par un souci compréhensible de ne pas s’y soumettre.

Les contraceptifs oraux peuvent être délivrés gratuitement aux mineures dans les centres de planification publics (à l’hôpital), mais l’information publique sur ces centres est quasiment inexistante. La contraception d’urgence doit, en principe, être remise gratuitement et sans condition à toute mineure qui en fait la demande dans une pharmacie, mais nombreuses sont encore les officines qui refusent de délivrer ce produit inclus dans la liste des médicament essentiels de l’OMS - ou qui le font payer à la mineure, alors que la loi leur donne l’obligation de le délivrer gratuitement et de se faire rémunérer par la sécurité sociale.

Quant aux femmes de plus de 30 ans qui consultent pour changer de contraception et opter pour un DIU ou un implant elles entendent souvent les praticiens leur déclarer sans grande délicatesse qu’elles « devraient penser à avoir des enfants ».

Tout cela, sans compter les violences véritables exercées sur les femmes par des praticiens sans aucune éthique, qui interrompent une contraception sans la remplacer par une autre - alors qu’il est TOUJOURS possible de trouver une contraception adaptée - et acculent ainsi certaines femmes aux grossesses non désirées et donc à un certain nombre d’IVG.

La position ambiguë du corps médical français

Le nombre d’IVG en France est stable depuis 10 ans (220 000 par an). Alors qu’aux Pays-Bas et en Angleterre, les délais d’IVG sont plus longs - et que ces deux pays drainent donc un certain nombre d’IVG venues d’autres pays d’Europe - la fréquence des IVG y est plus faible qu’en France ! ! !

Mais dans ces deux pays, l’information sexuelle et contraceptive est systématique, l’accès aux méthodes de contraception beaucoup plus facile. L’explication des carences françaises est donc bien structurelle. Ces carences découlent bien sûr de l’absence réelle de campagnes d’information de la part de l’état : alors que la loi de 2001 impose une information sexuelle dans toutes les classes de collège et de lycée, cette information n’est pas faite. Mais elles sont aussi la conséquence d’une attitude plus qu’ambiguë de la part de la profession médicale.

D’une part, la contraception - qui fait partie des soins primaires, en principe dispensés à toute la population féminine - est quasiment absente de la formation des médecins généralistes et réservée aux spécialistes. D’autre part, ces spécialistes sont le plus souvent violemment opposés à la diffusion des informations aux femmes lorsque cette information est délivrée par des médecins qui n’appartiennent pas à leur petite caste. J’ai pu moi-même en juger par les réactions d’un certain nombre de gynécologues avec qui j’essayais d’ouvrir le dialogue sur un forum professionnel.

Les commentaires sexistes ou péjoratif sur le manque d’intelligence de « leurs » patientes y étaient légion et la méfiance envers les données scientifiques venues du monde anglo-saxon ou scandinave n’avait d’égal que leur certitude de n’avoir de leçons à recevoir de personne.

S’il est bien une chose qu’on devrait pratiquer couramment, quand on est médecin, c’est l’humilité devant l’insuffisance de ses connaissances. Mais l’humilité n’est pas le fort de la profession médicale française.

Je ne compte pas non plus le nombre de messages écrits à mon intention par des femmes de tous milieux, décrivant de la part de gynécologues (hommes ou femmes) des attitudes sexistes et hautaines, quand ça n’est pas carrément méprisantes lorsque les femmes leur confiaient avoir lu tel ou tel document de l’OMS ou de l’IPPF (International Planned Parenthood Federation) prônant l’utilisation du DIU ou de l’implant par les femmes de tous âges à partir de 20 ans. Les méthodes qui libèrent le plus les femmes sont celles pour lesquelles elles le plus besoin de l’aide des médecins.

Prendre un comprimé est à la portée de presque tout le monde. Mettre en place un DIU ou un implant est en revanche un geste médical qui nécessite, pour être indolore et sans danger, une grande habitude. Le discours paradoxal - et faux - que véhiculent beaucoup de gynécologues, défenseurs de la seule « pilule », c’est que celle-ci est une liberté pour la femme.

C’était vrai lorsqu’elle était la seule méthode disponible. Aujourd’hui, ça ne l’est plus. La liberté, c’est le choix. Une femme porteuse d’un DIU ou d’un implant qu’elle tolère bien n’a pas besoin de médecin pendant plusieurs années. Une utilisatrice de pilule doit demander (et parfois quémander) une nouvelle prescription au mieux tous les ans, au pire tous les trois mois. En contraignant tant de femmes à dépendre d’eux, ces praticiens ne les libèrent pas, ils les enchaînent.

Les spécialistes, qui clament être le seul recours des femmes en matière de gynécologie, sont eux-mêmes formés par des professeurs hospitaliers dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne sont pas à jour des connaissances scientifiques modernes. Il n’existe en France qu’un seul manuel - très bien fait - de contraception à l’usage des étudiants . En comparaison, les autres ouvrages traitant de gynécologie et les cours prodigués aux étudiants continuent à aligner sans rectification des dizaines d’idées fausses sur les contre-indications ou les dangers des différentes méthodes.

Terroriser les médecins en insistant sur ces dangers au lieu de les relativiser , c’est le moyen le plus sûr d’empêcher les patient(e)s d’y avoir accès. Dans le but de « protéger » leurs patientes, les médecins ainsi formés les empêchent d’accéder à des méthodes sûres.

Cette attitude « protectrice » serait louable si elle était justifiée et si elle ne s’accompagnait pas d’une propension certaine à ne pas aller chercher plus loin que le bout de son nez... ou les arguments d’autorité des professeurs en chaire. Il faut, bien entendu, ajouter à ceci l’influence discrète mais très efficace de l’industrie pharmaceutique, essentiellement soucieuse de commercialiser de nouvelles pilules, identiques aux précédentes et - comme tout nouveau médicament - très coûteuses pour les femmes puisque pour la plupart non remboursées.

Il faut avoir discuté contraception avec un grand nombre de praticiens désireux d’en savoir plus sur le sujet pour attester à quel point l’attitude des médecins français est partagée. D’un côté, on trouve des soignants isolés (souvent médecins généralistes) souffrant d’un manque d’informations cruciales et qui, lorsqu’on les leur livre, y trouvent une double libération, pour eux et pour les patientes qui les consultent ; de l’autre, on croise beaucoup de professionnels (souvent « spécialistes ») pour qui la contraception est une question secondaire - quand elle n’est pas carrément importune - et que la sexualité des femmes - qu’elles aient 16 ans ou 50 - met profondément mal à l’aise.

Les éléments les plus frappants sur l’idéologie des médecins - et la manière dont elle se pérennise - peuvent être recueillis auprès des étudiants en médecine d’aujourd’hui qui, lorsqu’ils ne sont pas encore « formatés » par la pensée totalitaire des mandarins chargés de cours, relèvent avec effarement les insuffisances d’information sur la contraception (deux heures de cours pour huit à dix années d’étude), les discours méprisants de leurs patrons, les déclarations sexistes qui sont faites à l’égard des femmes ou les pratiques absolument contraires à l’éthique - comme le fait d’enseigner aux étudiants le « toucher vaginal » en faisant examiner à la chaîne - et à l’insu des intéressées - les femmes endormies, au petit matin, sur la table d’intervention où on va leur retirer leur utérus...

Certaines étudiantes en médecine (elles forment 60 % de l’effectif, aujourd’hui) décident ou sont amenées à avoir un enfant, au cours de leurs 8 à 10 années d’études. Nombreux sont les services qui ne valident pas le stage (de 4 ou 6 mois) au cours duquel elles ont la malchance d’accoucher, au lieu de leur demander simplement de rattraper les jours correspondants à leur absence. Le sexisme de la profession médicale, on le voit, ne touche donc pas uniquement les patientes, mais toutes les femmes.

J’ai souvent le sentiment, non seulement quand je lis les messages adressés par les femmes mais aussi quand j’entends mes confrères s’exprimer (ou quand je les lis, dans les revues médicales) que beaucoup de médecins français se comportent comme s’ils étaient dotés d’une capacité de jugement moral supérieure à celle de leurs patients et que leur conviction intime, sinon avouée, est que tout non-médecin est un être inférieur, incapable de comprendre ce qui lui arrive et de prendre des décisions seul, et que les femmes le sont encore moins, parce qu’elles sont des femmes.

Le plus triste est de constater qu’en matière d’obscurantisme, les médecins femmes n’ont rien à envier aux hommes : un grand nombre des messages qui me sont envoyés émanent de patientes qui se sont vues ainsi mal-traitées par des gynécologues de sexe féminin.

Quand on prend conscience de cet obscurantisme, on n’est pas très étonné que les violences commises à l’égard des femmes par les médecins français soient non seulement nombreuses, mais qu’en plus, elles ne soient pratiquement jamais dénoncées par personne. A commencer par leur attitude à l’égard des IVG.

IVG : l’indifférence qui tue

Au début des années 2000, on a vu des gynécologues défiler dans la rue pour réclamer le maintien de leur spécialité parmi les options offertes aux étudiants. En revanche, les syndicats de gynécologues français n’ont jamais défilé (ni protesté auprès du ministère) pour réclamer les décrets d’application qui facilitaient la prescription de l’IVG médicamenteuse en ville, conformément à la loi de 2001. Aujourd’hui encore, alors que la méthode d’IVG médicamenteuse prescrite par les médecins de ville devrait soulager les centres d’IVG hospitaliers et bénéficier aux femmes qui n’ont pas d’hôpital près de chez elle, les obstacles que rencontrent les femmes et les médecins qui désirent la leur proposer sont nombreux, qu’il s’agisse des écueils administratifs ou de la vindicte de certains membres du corps médical.

En matière d’IVG, l’indifférence du corps médical français est, à bien des égards, criminelle. Depuis les années 80, le discours sur les dangers du sida et des MST reste dominant et sans aucune commune mesure avec ses dangers réels. Sur les 220 000 IVG annuelles, 7000 concernent des adolescentes chaque année. À titre de comparaison, depuis l’apparition de la maladie au début des années 80 (donc, en plus de 20 ans), on a diagnostiqué 58 000 cas de sida en France. Pour une adolescente, le risque de se retrouver enceinte est donc considérablement plus élevé que le risque de contraceter un sida.

Le préservatif est une bonne méthode de protection contre les MST, mais une mauvaise contraception ; dans la plupart des pays européens, on recommande donc la « double protection ». En France, rien de tel n’est proné par les campagnes de lutte. Et on se garde bien d’expliquer que si le préservatif est la seule méthode de prévention des MST (sida et autres) pour une femme ayant plusieurs partenaires occasionnels, il reste une méthode de contraception tout à fait insuffisante, quel que soit le nombre de partenaires.

Le raisonnement est pourtant simple : sur cent partenaires sexuels, un seul est susceptible d’infecter une femme. Mais pratiquement tous peuvent la féconder... Et s’il faut souvent plusieurs rapports sexuels pour infecter une femme, il n’en faut qu’un (sans pénétration !) pour qu’elle se retrouve enceinte...

Les médecins délivrent-ils cette information aux femmes en consultation, dans les revues, à la télévision ou à la radio ? Je n’en ai pas le sentiment, si j’en crois les réactions qu’attirent mes propres interventions occasionnelles sur les ondes.

De même, l’analyse des circonstances dans lesquelles les femmes se retrouvent enceintes sans l’avoir souhaité montre qu’un grand nombre d’IVG pourraient être évitées : arrêts de contraception par défaut d’information sur les effets secondaires ; absence de contraception par refus ou non-prescription de la part du médecin ; absence de contraception après un accouchement (beaucoup de femmes quittent la maternité sans prescription, ou sans avoir reçu d’explication préalable sur leur recours à la fécondité) ; absence de contraception à l’approche de la cinquantaine, avant tout signe de ménopause, parce que le médecin recommande l’arrêt de la pilule au motif - justifié - que les estrogènes posent problème à cet âge mais ne juge pas utile de prescrire une des nombreuses méthodes efficaces et sans danger à cet âge... Il y en a bien d’autres.

Cette prévention n’est pas faite, car les médecins contrôlent, seuls, la prescription des méthodes contraceptives et leur formation ne mentionne jamais que le but d’une contraception est d’abord d’éviter une grossesse non désirée.

Pour beaucoup de médecins français, la contraception est perçue comme un « confort » pour les femmes, non comme une mesure préventive. En Angleterre, le suivi et le conseil contraceptif sont assurés par des infirmières spécialement formées. En France, les sage-femmes - de qui l’on exige pourtant un niveau élevé de compétence - n’ont pas le droit de prescrire la pilule plus de trois mois après l’accouchement, et n’ont pas celui d’insérer un DIU ou un implant, gestes pourtant infiniment plus simples qu’un accouchement...

L’indifférence des médecins (mais aussi des pouvoirs publics) à l’égard de l’IVG - droit dont la plupart de celles qui l’ont exercé auraient préféré se passer - est donc inversement proportionnelle à son importance.

Alors que les « collèges » de médecins britanniques ou américains prennent régulièrement position, ouvertement, dans la presse, contre l’incurie des pouvoirs publics en matière d’information sur la sexualité, je n’ai encore jamais vu un syndicat de gynécologues revendiquer une minute quotidienne sur une chaîne de télévision publique pour informer les femmes sur les méthodes de contraception, ni même prendre part massivement à une campagne publique d’information. Mais nous vivons dans un pays de culture profondément catholique, où la maternité est une valeur plus sûre que la liberté sexuelle.

Grossesse : qui est-ce qui accouche, au fait ?

Extrêmement valorisée en France par toutes les politiques nationales depuis... Vichy, la grossesse est en principe une situation physiologique, qui ne devrait pas inciter à la surmédicalisation en dehors de la surveillance bénéfique dont bénéficie toute femme enceinte. Pourtant, les témoignages sur les abus de pouvoir exercés par les médecins à cette occasion sont légion.

Sans même parler des coutumes françaises qui imposent aux femmes de rester allongées, position la moins propice à l’engagement du foetus dans le bassin au moment de l’expulsion, ou de l’impossibilité pour beaucoup de femmes de demander une anesthésie péridurale lorsqu’elle est possible ou de la refuser quand elles n’en veulent pas, la mainmise des obstétriciens - sur l’accouchement évoque des pratiques remontant au XIXe siècle.

La France est un des pays développés où l’on pratique, sans autre justification que le bon vouloir ou le confort des médecins, le plus d’accouchements provoqués, de césariennes et d’épisiotomies systématiques. Or, tous ces gestes s’accompagnent d’une morbidité importante et ne devraient donc pas être pratiqués sans justification, et encore moins sans le consentement de la première intéressée. Il s’en faut cependant de beaucoup que les femmes aient leur mot à dire à ce sujet. Considérons ainsi l’épisiotomie : cette pratique consiste à inciser la vulve au moment de l’accouchement pour « prévenir », théoriquement, la survenue d’une déchirure ( !).

Des études nombreuses ont cependant montré qu’elle ne procure pas du tout les bénéfices escomptés, et que la plupart du temps, les déchirures qui surviennent en l’absence d’épisiotomie sont superficielles et faciles à réparer. L’épisiotomie, en revanche, incise non seulement la peau, mais toute l’épaisseur du périnée c’est à dire en particulier les muscles sous-jacents. Elle entraîne par conséquent très souvent des douleurs durables, longtemps après l’accouchement, et des troubles sexuels persistants chez les femmes qui l’ont subie. Dans son rapport sur les bonnes pratiques d’accouchement, l’OMS la déconseille donc vivement et considère que les raisons médicales de l’utiliser ne dépassent pas 20 % des accouchements.

On pratique ainsi des épisiotomies dans moins de 6% des accouchements en Suède (pays dont la morbidité maternelle et néo-natale est l’une des plus faibles au monde), mais dans plus de 60 % des cas en France (et parfois 95 % pour certains centres) ! Comme tout geste médical non vital, l’épisiotomie peut parfaitement être refusée par celle à qui elle est censée « bénéficier » ; très peu d’obstétriciens cependant informent les parturientes de ce « détail » ! On oublie aussi de dire que pendant de nombreuses années, la réparation du périnée ainsi mutilé s’accompagnait d’un « point du mari », suture supplémentaire destinée à resserrer la vulve pour... assurer le confort sexuel des hommes, sans se préoccuper de ce qu’en pensent et de ce que ressentent les femmes ! D’après certains témoignages que j’ai reçus de sage-femmes en activité, cette pratique d’un autre âge a encore cours dans certains hôpitaux et cliniques français.

Malgré l’abondance des arguments scientifiques contraires à la pratique de l’épisiotomie, beaucoup de praticiens français continuent à la pratiquer sans aucune hésitation, et sans la moindre considération pour le bien-être ultérieur des personnes. On est en droit de penser qu’il en va de même dans de (trop) nombreux centres pour la césarienne et les pratiques instrumentales (forceps). Et les chiffres sont là pour le confirmer.

Indépendamment des pratiques strictement médicales, une chose est sûre en tout cas : les femmes ne sont presque jamais informées, avant l’accouchement, de la manière dont celui-ci se déroulera et des options médicales possibles pendant le travail. On ne leur demande pas leur consentement informé pour pratiquer une césarienne (il faudrait que l’information ait lieu sans même qu’une césarienne soit déjà prévue), une épisiotomie ou une manoeuvre instrumentale. Quant à l’accouchement déclenché sans raison autre que le confort de l’obstétricien, il est probablement très fréquent - mais difficile à refuser dans la mesure où les femmes peuvent craindre que leur rejet d’une procédure recommandée par le médecin entraîne un comportement moins « soignant » de sa part.

Quant à l’accouchement à domicile, presque universellement honni par la profession médicale française, il est difficile à choisir par les femmes en raison de l’insuffisance notoire du nombre de sage-femmes dans l’hexagone. Une étude américaine de 2005 montre pourtant qu’en l’absence de facteurs de risques particuliers (le plus souvent dépistés plusieurs semaines avant l’accouchement), les accouchements pratiqués à domicile par des sage-femmes expérimentées ne présentent pas plus de risques que les accouchements identiques pratiqués à l’hôpital, mais comportent un bien moins grand nombre de gestes médicaux : 2% d’épisiotomies (contre 33% à l’hôpital), 4% de césariennes (contre 19%)...

Ces résultats confortent dans l’idée que ces gestes ne sont pas liés à des complications réelles de l’accouchement, mais au déroulement de celui-ci à l’hôpital - le milieu hospitalier ayant fâcheusement tendance à faire perdre tout sens de la mesure. Cette étude est venue conforter un grand nombre d’autres études déjà faites en Suisse, en Angleterre et aux Pays-Bas. Aux Pays-Bas, 40 % des accouchements ont lieu à domicile. En France, moins de 1%. Quand on souligne cette différence, beaucoup d’obstétriciens français répondent, de manière très révélatrice... qu’ils ne sont pas assez nombreux pour ça. Or, c’est précisément le faible nombre d’obstétriciens et leur surcharge de travail qui devrait encourager les femmes sans problème (et il y en a beaucoup) qui le désirent à accoucher chez elles. Malheureusement, le plan périnatalité 2005-2007 mis en place par Philippe Douste-Blazy ne mentionne même pas l’accouchement à domicile.

Le silence et les préjugés des médecins français, principaux ennemis des femmes

Il ne se passe pas de jour sans que je reçoive, par courrier électronique, des demandes d’information ou d’avis venant de femmes de toute la France. Je ne suis pas le seul médecin français - ni le plus compétent - pour y répondre, mais si l’on m’écrit c’est, tout simplement, parce mon site est de plus en plus fréquenté par les femmes abonnées aux forums consacrés à la contraception - tout simplement parce que j’y mets en ligne de nombreux articles - et de nombreux liens vers des sites scientifiques, qui les corroborent - concernant la contraception. Ces informations sont lisibles par un grand nombre de femmes, et, en outre, lorsqu’on m’écrit - je réponds aux questions comme je le fais en consultation.

Encore une fois, je ne suis pas du tout le seul à le faire. Il existe aussi des sites de gynécologues voués à répondre aux questions mais leurs participants répugnent, le plus souvent, à critiquer le comportement de leurs confrères, alors que certains comportements sont franchement criticables et que la moindre des choses, quand on informe quelqu’un, est de lui donner TOUTE l’information - même si cette information est défavorable au praticien qu’elle a consulté auparavant. IL ne s’agit pas de faire de la critique gratuite, mais simplement de pointer les comportements qui ne tiennent pas debout.

Certains confrères m’ont reproché - ça arrive régulièrement - de « croire tout ce que les femmes me racontent ». Cette remarque en dit long sur le respect que ces confrères ont pour leurs interlocutrices. En ce qui me concerne je pars du principe que si je ne crois pas ce qu’on me dit, je devrais changer de métier. Si la personne qui m’interroge me fait la confiance de me parler, j’ai l’obligation de la croire et de répondre à ce qu’elle me dit. Si par hasard, elle m’induit en erreur, elle recevra une réponse inadaptée et c’est de toute façon mauvais pour elle, pas pour moi.

Pour avoir travaillé pendant vingt ans dans un service de planification et d’IVG, je crois par ailleurs pouvoir témoigner (et je crois que mes camarades du centre d’IVG et de planification du CH du Mans diraient de même) qu’en matière de sexualité, de grossesse et de contraception, la proportion de femmes qui cherchent volontairement à induire le médecin en erreur en lui confiant des éléments manifestement faux est infime. L’immense majorité ont tellement besoin d’information et d’écoute que la présence de professionnels qui les écoutent et qui répondent clairement, loyalement et sans jugement moral à leurs questions est vécue par elles comme un pur miracle.

Et cependant, ce qu’elles attendent des médecins n’est pas un miracle. Elles attendent, simplement, que les médecins les respectent et se comportent en soignants.

Martin Winckler

Hé ! les filles ! allez jeter un oeil ici : easycup.fr ! (voir vidéo ici)

lundi, 10 novembre 2008

Du soi, yeux, con, ne rient mais fêtes vives

D’aussi loin que je puis remonter dans ma mémoire, le mot «con» a toujours été entouré d’une nébulosité qui n’en permettait pas d’en trouver une claire spécificité. Sexuellement, il désigne une zone située vers les parties génitales de la femme, mais sans véritable localisation : on peut penser au vagin, mais un vagin, s’il est le con de la femme, n’est pas un con.

Un con serait plutôt cette indéfinition même dans laquelle on voudrait ne pas définir quoi que ce soit sinon que la définition de « con ». Rétif de la Bretonne a fait un éloge du con, qu’il appelle affectueusement « connin » (j’imagine bien sa vision des petites bouclettes de la pilosité féminine intime dans ce mot), mais cela ne correspond pas à un « con » et il a écrit son livre, précisément, pour passer outre la relation entre un « con » et le vagin de la femme : le connin est ce lumineux ensemble des parties génitales féminines correspondant au plaisir sexué que l’on peut attendre en relation avec le pénis. C’était un livre ouvertement anti-sadien où Sade, dans ses écrits les plus cons, reniait le con présenté sous un aspect qui se veut festif par Rétif dela Bretonne.

Lorsqu’on dit « ce mec est con », cela n’a pas la même signification que de dire « ce mec est un con » ; et de dire « c’est une conne » : une femme intelligente peut être considérée comme conne, et une femme simple peut ne pas être conne et être très agréable. Cela signifie-t-il que c’est la relation à l’homme qui qualifie ou non la conne ? Sans aucun doute que oui, mais alors ce jugement est à mettre en relation avec l’éventuelle connerie de l’homme qui la formule, cela va de soi.

Une femme intelligente mais conne, ce peut être une femme qui ne comprend rien, ou peu, à la relation entre l’homme et la femme — à moins de précision, je parle, bien sûr, en considération de la connerie même de l’homme, soyons correct — ce qui implique une sorte de rapport sexué. Mais une femme qui se donne trop, sans discernement, serait suffisamment conne pour être employée par tous, ou qui le voudrait, à des fins sexuelles. Mais je dirais alors plutôt qu'elle s'est égarée lorsqu'elle ne sais plus ce qu'elle réalise.

Parlant d’un homme, dire qu’il est con est très difficile à cerner du fait qu’il n’est pas de sexe féminin. Il y a donc quelque chose de commun, dans ce cadre de la connerie, entre les deux sexes ; au moins un mot : con.

En fait ce qu’on ne voudrait pas d’un con est qu’il ne communique pas, qu’il reste insensible aux sollicitations de communication, à la recherche d’un plaisir plus ou moins commun. Une conne est une femme qui a un con, un vagin sans tactilité émotionnelle ; un con est un mec qui est dépourvu de tactilité émotionnelle pouvant émulser son intelligence du moment et de la situation. Et, de fait, on trouve con toute chose qui est dépourvue de tactilité émotionnelle, quelque chose ou quelqu’un qui ne comprend pas, soit le moyen entrepris dans une prise de contact (la forme de la prise de contact et le contact lui-même) ou qui n’entend pas l’importance de l’émotion, qui ne l’entend pas avec son sens tactile de l’émotion dont il se serait dépourvu pour une raison sombre ou inconnue, con en somme.

Une personne qui utilise un moyen qui va à l’encontre du but recherché n’est pas obligatoirement con : elle peut être étourdie, prétentieuse, obstinée et autre, mais pas obligatoirement con. Pour qu’elle soit con, cette personne doit ne pas pouvoir comprendre ce qui va de soi : rester en contact avec ce que l’on fait qui est en relation avec ce que l’on est. Moi, par exemple, je sais que je ne comprends pas certaines choses qui m’échappent d’ailleurs et m’échappe par là-même leur liste possible. Je ne les comprends pas. Je peux, bien sûr, dire qu’elles sont con, mais je n’ai pas la prétention de l’affirmer, car je ne les comprends pas, tout simplement, elles m’échappent. Pour que j’affirme que quelque chose (un acte) ou quelqu’un (une personne) est con, j’ai compris (à ma manière) de quoi il retourne et j’ai cerné son obstination à ne pas se mettre en contact avec ce qu’elle réalise ou est. Je ne suis pas pour autant « toujours » con : j’ai des moments de fort contact avec la réalité que je ne rejette pas par crainte de quelque chose, ou d’une émotion autre que celle qui m’habitait initialement : la souplesse émotionnelle me permet d’adapter mon contact émotionnel avec la réalité. Si cela ne fonctionne pas, je ne suis pas pour autant tombé dans la catégorie des cons, car ma tentative restera dans le cadre de la sincérité, et le con est dénué de sincérité, au moins vis-à-vis de lui-même.

Un vagin dénué de sincérité, un con, est assez étrange quand on y pense. Il pense autre chose que ce qu’il vit. La réflexion de ce qu’il vit ne correspond pas à la sensation qu’il éprouve et cette réflexion surpasse cette sensation. La volonté de ne pas ressentir surseoit à la vérité de la sensation, à sa réalité. Mais qu’en est-il du pénis, dans ce cas-là ? Est-il un pénis qui refuse de ressentir ce qu’il éprouve réellement ? Hé bé oui. C’est pareil. Mais alors… pourquoi utiliste-t-on le mot con et non pas le mot « pine » : « il est pine ce mec ! » C’est historique, j'y reviendrai.

Une des insultes qu’on profère à la femme, par exemple, est de lui dire « Hé va donc, hé…ménopausée ! » : on cherche à atteindre ici le féminin même, ce qui caractérise la VIE du féminin dans son cours, dans le cours de sa vie NATURELLE. La nature même de la femme serait donc sujette à une dépréciation due à… sa connerie. Comme si une « ménopausée » n’était PLUS capable de retirer de la vie du plaisir de vivre à la manière du con qui profère cette insulte n’est pas capable de retirer de la vie du plaisir : cest là la vue d’une glace derrière son tain car il manque une reflexion précieuse, argentique. Et si le second est juste (et c’est ce qui en fait la caractéristique) la première est une vue de l’esprit reportant la connerie sur la vie que cette connerie suppute sans plaisir possible qu’elle énonce par cette insulte.

Un con est un con d'abord et simplement parce qu'il ne concède pas à l'autre la gentillesse qu'il se devrait à lui-même de concéder.

Un con est un con du fait qu'il se considère, lui, et lui seul, comme tenancier de ce qui n'est pas la demeure de la connerie. Ce qui, architecturalement parlant, puisqu'il construit cette demeure, est paradoxal du fait qu'il se dit ne pas y habiter alors qu'il y couche à toute heure du jour et de la nuit, dans ses rêves même.

Et puis un con est con parce qu'il se pense outre mesure au-dessus des autres par commodité connesque de sorte que l'annonce de sa connerie ne supportera pas plus longuement, car il ne sait pas lire plus d'un demi-paragraphe, ce qui le concerne et qui pourrait lui apporter un semblant (à sa mesure, s'il vous plait) de standardisation qui eut pu avoir comme résultat d'amoindrir sa bêtise en la réduisant au commun du temps, de sorte à ce qu'il s'en aperçoive.

Mais c'est, de toutes les manières perdu, parce que celle qui habite notre hôte est telle qu'elle semble rédhibitoire à toute tentative de prise de conscience, de bonne-avenue, d'aloi.

De fait, confronté au pouvoir qu'il s'octroie, et que moult dispositions sociales lui concèdent (notamment celle du dernier disant admis), il faut faire queue basse et attendre un moment plus favorable (celui où il se sera rendu compte de son état — à quand ?) de sorte à un tant soi peu pouvoir s'exprimer en dehors de sa conception du monde... si tant conne.

Ce qui gêne particulièrement le con, c’est la liberté ; la liberté ne s’entendant que dans un collectif, un ensemble humain. Dans l’élaboration collective d’un événement, d’une tache, de la solution d’un problème, le con n’admet pas ce qui l’éloigne de sa conception du lisse, du lustré, de l’uni, de l’égal ; en bref : de ce qu’il appelle l’ordre. Celui qui n’entre pas dans sa conception du monde n’a pas à exister, à s’exprimer, à respirer même ; peut-être même à vivre.

Ce manque de générosité vis-à-vis de la richesse de la vie, ampleur dont il accepte de prendre conscience pour la réduire à ce qu’il est capable, lui seul, d’en appréhender, est une caractéristique de la connerie : il est dépourvu de l’intelligence de l’intégration du singulier dans le particulier. Pour cela, il restera dans l’erreur, volontairement, ou l’inventera en cas de défaut de sa puissance pour la prendre comme point d’appui à l’expression de sa connerie en écrasant le débile. Le moins con, lui, l’intégrera dans le tout, car le débile est dans le tout.

Le con revendique la liberté selon la manière, et uniquement elle, dont il la conçoit. On sait au contraire, que la liberté n’est pas une conception unique, mais plurielle. Il ne compose pas avec la liberté des autres, car il ne la comprend pas ; il est aveugle à l’intelligence qui comprend que le débile n’influe sur le général que par absence, que de mettre le débile hors de son jeu c’est créer une prison, un élément qui restreint la liberté. Il donne libre cours à la sienne en resteingnant celle des autres et comme sa liberté est claudicante en raison inverse de la vitesse de sa connerie, à l’image de la vérité — qui est fluide comme le vent — elle arrive en retard, comme une perte de temps. Pour le con, le premier pas de la liberté s’arrête à celle des autres alors qu’elle commence à vivre lorsqu’on l’octroie à l’autre.

Dire de quelque chose ou de quelqu’un qu’elle « n’est pas con » suppose une sorte de petit génie détectable dans la chose ou dans la personne à qui on applique cet adjectif. J’ai dit, ailleurs que sur ce blog, que « la différence entre un fonctionnaire et un bureaucrate est que le second a perdu son âme » : c’est ce qui le rend fortement con et précisément con encore. Égarer son âme là où elle n’est plus accessible comme solution à une problématique dans laquelle on refuse de prendre une position telle que l’on ne la perde pas, précisément, est fondamentalement con, bureaucrate. On peut voir ici un jalon à la connerie, une quantification possible de l’aspect con de la vie sociale. Mais, ne nous déjectons pas de la réalité sociale : la bureaucratie est un symptôme de la connerie générale RÉGNANTE que cette forme connerie qu’est la bureaucratie se doit d’organiser selon des formes, certes le plus souvent fort cons, mais organisation qui donne un semblant de cohérence pacifique à la société humaine observée sous ce critère possible.

Un journaliste, par exemple, est assez con et souvent. La forme de sa bêtise n’est pas semblable à celle de la bureaucratie, mais proche. Mettre la confusion dans les esprits est particulièrement con car on rend les gens con. Ce qui fait la base de la vie sociale est la sincérité : « In God – dollar-yen-euro – We Trust » signifie que la confiance que l’on a de la vie inter-individuelle, sociale, est un contrat social où on accepte au minimum le concept de cette confiance. Cette confiance est une ouverture au monde et c’est pour cela qu’elle est acceptée, car elle ouvre à l’autre. Que des « conmerciaux » (avec des semblables — con — en correspondance marchande — mercial) s’y engouffrent pour en retirer des profits, montre bien leur connerie sociale, certes, mais cela ne suppose pas qu’ils sont insincères dans ce qu’ils désirent réaliser socialement. Tandis qu’un journaliste, lui, ne trouve la réalité de son pouvoir social (car le con ne trouve sa réalité que dans le pouvoir, entre autres) que dans sa position sociale : un « média » entre vous (moi) et un autre mode qui vous en impose. L’intérêt (le fruit de son capital) du journaliste est de maintenir l’indécision possible toujours indécise de sorte qu’une décision possible ne soit jamais possible : c’est rendre les gens cons. Mais les gens sont rendus de manière con simplement car la relation « toute con » entre les êtres est cette sincérité dont j’évoquais tout à l’heure la base de l’existence inter-individuelle.

On dit aussi d’un con (ou d’une conne) qu’il ou elle est ainsi car elle ou il refuse de saisir l’impact de son action sur son environnement, comme si la persistance avec laquelle est poursuit obstinément son action, pour elle ou lui et alors qu’on le lui dit, était dépourvue d’impact sur les autres ou sur l’environnement, était aisément détectable comme nuisance. On détecte au surplus que l’écran entre la bonne intelligence possible et cette nuisance est une pure facétie de stupidité relevant davantage de la méchanceté que de l’intelligence de la méchanceté. Con, en somme. Hé bé, un journaliste ne procède pas autrement que selon cette nuisance dont il ne veut percevoir l’existence qu’à travers cet écran d’une méchanceté qu’il se refuse d’admettre pour lui ou elle.

Vous voyez (je me mets dans la confidence), l’intelligence est pour moi une chose étrange (tout autant que la connerie) qui me donne comme de l’air frais dans la tête, tandis que la connerie obscurcit ma vision du monde, la bloque, l’interdit, tel le brouillard noirâtre qui surnage au-dessus de la combustion des fils électriques que l’on veut débarrasser de son plastique pour le vendre au prix du poids du cuivre. La connerie est ici située dans cette bureaucratie qui ne peut admettre qu’un autre monde qu’elle existe et qu’elle pollue la vie du fait de cette dénégation, car cette positivité qu’est la vie doit vivre (et pas selon les critères de la bureaucratie) et que l’échange ou la vente profiteuse impose que le cuivre est vendu plus cher après avoir pollué, que avant. Ne pas comprendre, par exemple, que la recherche de la liberté face au salariat est une forme de vie aussi valable que celle passée à la consécration à ce salariat, par exemple, alors que l’on est soi-même à la disposition des gens par sa « fonction » de « fonctionnaire » précisément à travers la touche d’un appointement issu de la contribution générale de tous (TVA comprise), fait, pour moi, partie de la connerie ambiante, de cette recherche du pouvoir sur l’autre qui n’est pas vous, n’agit pas comme vous, ne pense pas comme vous, n’aime pas comme vous la vie qui lui est donnée de vivre.

Le journaliste qui dit simplement « des rejets de césium se sont échappés de la filière d’une centrale nucléaire » est con car il ne dit rien des implications de ce qu’il dit : il l’énonce et refuse de dire quoi que ce soit de ce qui l’implique lui. Ha oui mais… un journaliste a ses propres convictions… donc… ne doivent pas transparaître dans ce qu’il dit ses propres convictions (par souci d’honnêteté : mais est-il honnête avec lui-même ? j’en doute, sinon qu’honnête avec sa connerie. Et être honnête avec sa connerie est-ce vraiment être honnête. Non, sinon on ne serait pas si con), cela fausserait l’information, n’est-il pas ? Il ne s’agit pas ici de convictions, précisément ce qui fait pour la plupart du temps la connerie, mais d’une prise de position par rapport à une conviction que l’on sait pertinemment stupide, réellement. Un journaliste sait que des effusions de césium sont mortelles pour les êtres non-minéraux, et pour lui-même. Mais il refuse que cela s’applique à lui-même, refus qu’il cache sous le prétexte de l’objectivité ; mais cette radio-activité s’applique aussi à lui et comme il pense qu’il est journaliste, le con, il pense aussi qu’il se doit d’être objectif, sinon il ne ferait pas son métier. Il en est du même du prêtre, de quelque obédience il soit.

Pour ce qui est du politique, sa nudité de sens poétique est telle qu’on peut tout lui pardonner sinon que de dévier du sens poétique : ce qui est très grave, humainement parlant.

Lorsqu’on dit que quelqu’un est con, c’est qu’on aperçoit (l'objectivité est relative à la connerie, je le sais) qu’il/elle va à l’encontre son propre intérêt, du plaisir qu’il serait susceptible de jouir de la vie et que cette manière de faire est sensiblement compliqué pour percevoir que sera aussi compliquée son atteinte.Mais ce n’est pas seulement cela, car la socialité humaine fait que c’est l’autre et avec lui que le plaisir est le plus prononçable.Je veux dire que c’est dès le moment où la personne sait que cette manière de requérir de la vie du plaisir est compliquée et qu’elle persiste dans cette manière dont on peut dire qu’elle est assez conne de faire ainsi.

Résumons.
Être con c’est utiliser un moyen que l’on sait ne pas pouvoir ne faire atteindre le but qu’on se donne, sinon que dans le déplaisir ou l’échec anticipé. Est con, ou le vagin ou le pénis, qui refuse (qui ne sent pas n’est pas con mais peut l’être) de ressentir ce qu’il lui est possible de ressentir : le contact avec l’autre et l’émotion qui l’accompagne sans lui apporter plus d'un cinquième de complication innaccessible pour reconnaitre ce contact. Et la connerie c’est refuser d’admetre la liberté de l’autre par l’obstination d’en admettre la véracité d'existence.

Je me souviens d’un livre de Sade « Aline et Valcour » qui décrivait un pays où le nombre des lois de devait pas dépasser celui des doigts de la main. Lisez le, il n’est pas con ! Sade n'a pas toujours été con, surtout hors de prison… qui rend assez con, faut l'admettre.


mardi, 18 mars 2008

Sur la mort volontaire

Seuls ceux qui n'ont pas vécu ont peur de la mort. La plupart des bureaucrates n'ont jamais rien vécu de leur vie de fesses-plates. La mort est la fin d'une vie, d'un vécu, d'une histoire personnelle. Et cette mort fait partie de ce vécu. Que ce soit pour cause de douleur ou quoi d'autre, le vécu personnel doit pouvoir correspôndre à ce qu'on en attend, soi, et non pas un autre qui n'a rien vécu de sa vie de salarié.

Cette crainte idiote de l'irrémédiable, pourtant appliqué partout d'une manière stupide (on le voit à l'irrémédiable de l'action humaine sur l'environnement et des ses conséquences), la distinction de l'irrémédiable du réversible, du vivant correspond à la crainte de perdre, de se perdre. Et zut !

De fait on meurt davantage pour ceux qui restent que pour soi. La mort fait davantage souffrir ceux qui restent que celui qui meurt. Mais ceux qui restent doivent respecter la décision de la personne qui meurt. Généralement, au cours de ces p… de guerres, on fait peu cas de la vie des autres. Pourquoi en temps de paix faut-il être encore plus barbares ? Parce qu'on culpabilise de n'être pas plus humain ? Où se trouve cette humanité : chez les autres ou chez soi lors d'une telle décision ? Faire souffir est-il plus humain que de répondre à un désir adulte ?

jeudi, 21 février 2008

Faut du cœur pour comprendre l'incompréhensible

Si un enfant ne réussit pas à l’école, s’il ne parvient pas à comprendre et assimiler ce qu’on lui demande, c’est qu’il a une toute autre préoccupation dans la tête que ce qu’on lui demande : ses parents qui, soit se disputent, soit ne s’occupe pas ou pas convenablement de cet enfant en question. C’est son milieu de vie affectif qui est déficient, pas lui.

Personnellement, qui ne suis pas bête, de l’école, j’en avais rien à faire : à la maison c’était un véritable désordre affectif et de fait, j’avais affaire au conseil de discipline au moins une fois par semaine. Non pas que l’école ne m’intéressait pas, mais que le comportement impliqué par ma situation familiale, était complétement à l’opposé de ce qu’on pouvait me demander.

Donc, si on veut avoir des enfants qui s’intéressent, selon ce que j’en connais (et la vie et plusieurs lectures me l’ont confirmé) à l’école, intéressons-nous aux PARENTS. Il en est de même des incivilités, et du reste.

Mais ce que je voudrais ajouter, c’est que j’avais FOI en ce que m’apprenait l’école jusqu’assez tard, finalement, jusqu’en 6ème, en gros. Lorsqu’on m’apprenait l’éducation civique, l’organisation de la société dans laquelle je vivais, j’en avais FOI, ce qui m’était dit était VRAI. Or, rapidement, j’ai été obligé de constater qu’on s’est moqué de moi. La lutte contre la pauvreté ? L’égalité dans le travail ? La société comme organisation humaine contre la faim, le froid, la solitude? Les syndicats défenseurs du salarié ? Les lois qui protègent tout le monde (et non pas les nantis) ? Et le reste : tout cela c’est de la nourriture sprituelle avariée, du mensonge, de la caricature de vie. Mais c’est cette caricature, et non pas la justice, l’équité, la répartion du fruit du travail de l’autre et du sien, qui prévaut.

Ce qui fait dire donc, qu’en sus des difficultés que nous éprouvions dans notre famille, loin de pouvoir asseoir notre affection sur le solide de la société et ce qu’elle dit d’elle-même, ce qu’elle enseigne, j’ai dû me rendre, hélas, compte que je devais me débrouiller seul. Hélas ! Ô combien hélas ! Hélas !

Qu’en est-il de nos gamins, aujourd’hui ? Quels exemples sont-ils proposés à leurs yeux et jugement (c’est pas con, un gamin, c’est rendu con par l’incohérence, c’est pas pareil ! Et il y a une relation immédiate entre la compréhension du monde et l’affectif, la MANIÈRE de le comprendre). Heureux celui qui peut trouver, dans ces turpitudes de malades, une voie qui lui apporte du bonheur ! Heureux lui !

mercredi, 13 février 2008

Retournement de la déviation

Une affiche de cinoch, en ce moment, dans les rues, montre un petit garçon face à un grand monstre. Décriptage psychologique : Papa, maman interdisent à leur petit garçon de se toucher ses parties génitales. Le « désir » (en fait : la force irrépringible de la vie encore non-domptée présente dans l’organisme, en mouvement dans le corps de cet enfant) grossit de plus en plus à tel point qu’il ne sait plus quoi en faire et qu’il s’en dissocie, qu’elle devient autre que lui par un rejet vers l’extérieur : elle se présente alors devant lui dans toute sa puissance plus ou moins monstrueuse. L’affiche fait percevoir et espérer qu’il réussit à maîtriser l’affluence de sa génitalité.

Et les gens, eux, qui vont voir ce film, vont voir quelle est la solution adoptée par ce petit garçon pour réussir à dompter cette énergie que leurs parents leur avaient interdite de résoudre par la manière naturelle : de simplement se toucher les organes génitaux et d’en satisfaire le besoin de satisfaction, qui sont une affaire intime, personnelle.

On montre principalement la résolution de ce problème dans la personne d’un petit garçon : c’est que le sexe masculin est, lui (et si on veut !) visible lorsqu’il est en érection : c’est plus facile. Mais il arrive aussi qu’on montre cette solution (en image) du problème de la génitalité chez l’enfant par des grottes, des images sombres et gluantes, etc. Le problème n’en est pour autant jamais résolu, car la solution proposée est extérieure, extériorisée sans plus de relation physique qu’une relation psychique, en image, avec la personnalité.

C’est qu’il est difficile d’admettre, pour de telles personnes, que le seul fait de montrer de telles images montre à la fois A — le problème ; B — la manière de le résoudre qui est à l’image de cette image (c’est-à-dire impossible de cette manière !) ; C — le désir que l’on a à la fois de le résoudre et de ne pas le résoudre (et comment donc, puisqu’on a séparé la racine devenue problème de ses feuilles ?) et D — la satisfaction que l’on a de le voir perdurer, puisque c’est ce mode de vie qui vous permet, maintenant, de retirer de cette manière encore de la satisfaction de la vie (en tenant éloignés le problème et sa solution pratique, radicale). On est pas sorti de l’auberge, les garcs, pas sortis du tout.

J’ai nommé l’ensemble de ces quatre éléments indissossiables une « préoccupation », je veux dire que, dès qu’un et un seul des éléments précités, précisément, de ce problème (la satisfaction génitale interdite au cours de la prime enfance et plus tard) est effleuré, c’est l’ensemble qui se manifeste et obnubile l’ensemble de la personnalité.

L’être qui a réussi le plus à se civiliser est celui qui a réussi à mieux montrer que ce problème ne le préoccupe en aucune manière (y’a qu’à regarder sa cravatte ou la manière qu’il a adopter d'emberlificoter les gens). Et celui qui aura le plus de succès sera celui qui, non seulement, réussira à démontrer que c’est là le moindre de ses soucis, mais encore qu’il peut vous apprendre à en faire le moindre des soucis pour vous, c’est-à-dire à vous faire miroiter que sa méthode (et il en existe un grand nombre, plus ou moins populistes) est la meilleure pour vous : vous n’avez, finalement, que l’embarras du choix, mais élisez bien !

Car réussir avec grand succès, vous-même, à faire une moindre de vos préoccupations de ce problème, vous devenez par là-même un meneur, une vedette, célèbre ! Il y aurait d’ailleurs de quoi en faire un film avec des images montrant des gros trucs sortant de l’eau, plus ou moins succeptible d’être votre « ami », par exemple, ou une balade bien angoissante dans une caverne humide, au plus proche de vous faire bouffer par un « alien ».

mardi, 25 décembre 2007

Jouissances endiablées

Mettons sur cette estrade la vérité et sur celle-là n’importe quoi qui est faux : l’humain va se tourner vers ce qui est faux. L’humain préfère la vérité, bien sûr, mais il trouvera toujours une bêtise pour s’en détourner. C’est que la vérité c’est fatigant, beaucoup plus fatiguant que la bêtise qui est, elle, pourtant bien fatigante.

Hé oui, pour aussi fatigante que peut être la bêtise, elle ne rebute en rien l’humain. L’humain est une bête de fatigue, et elle adore ça. L’humain déteste en idée le labeur, le travail bête, mais en pratique il l’adore et s’y adonne sans autre commune mesure qu’elle-même, et ce n’est pas de la tarte, cette mesure : un seul être peut la rivaliser et à lui tout seul il la rivalise, la surpasse même. Il semble qu’il lui manque tant de bêtise que ce travail, justement, lui en apporte d’autres ; en somme il a le sentiment de se dépêtrer des bêtises du moment en en pourvoyant son avenir immédiat de moins défraîchies.

Par exemple, l’humain déteste qu’on lui dise qu’il est borné : et pourtant sa nature le borne du fait de sa nature. Lui qui se croie au-dessus du monde parce qu’il pense, rejette avec vigueur, sinon colère, mépris et dépit, le fait d’admettre qu’il est borné par sa propre nature. C’est qu’il n’a aucune, ou si peu, connaissance de sa propre nature, il ne sait pas qui il est, sinon il ne prendrait pas à mal qu’on affirme être borné par ce qu’on est car, bien plus que des seules apparences comportementales, on jouirait de ce que l’on est : la vérité est jouissive. C’est parce qu’il ne connaît pas les limites de ce bornage qu’il s’inquiète de ne pas paraître intelligent et qu’il se met en pétard alors qu’on le lui dit.

Bien sûr il est toujours loisible de jouir des apparences comportementales pour ce qu’elles sont, en vérité, pour ce qu’elles voudraient être, mais pas si souvent pour ce qu’elles ignorent être et ce qu’elles veulent être. Un imbécile ne sait pas jusqu’où ou bien quand il est imbécile, le moment où il le devient, l’est devenu. On sait qu’il passe cette borne quand il ignore qu’il la dépasse. Son environnement détecte alors comme « un déplacement de l’attention du point central vers une périphérie incertaine », comme un évitement obstaculaire de ce qu’il n’est pas capable de comprendre et qui lui échappe, qu’il n’a pas vu et qu’il a pourtant contourné. On rit, chez lui, de son manque de prouesse intellectuelle et il en rit aussi car elle est risible, en toute bonne foi, comme système : de l’ignorance de sa mécanique et de la sincérité de son déroulement.

À ceci près que la bêtise, à l’encontre de l’imbécillité, se pose en sincère alors qu’elle a une idée dans la tête : « Comment vais-je réussir à lui faire acheter cette bêtise ». Ici, il n’est pas obligatoirement question de prix : il s’agit juste et seulement de faire accepter au meilleur coût et le plus rapidement possible telle ou telle idée de la relation qu’on entretient avec la personne et dont on veut qu’elle pâtisse sans que, finalement, on s’en rende, soi, responsable. Il suffirait d’écouter, mais on se fait avoir. Et on se fait avoir toujours à cause d’une autre idée que l’on a de la bienséance, de la décence, de l’honnêteté… que l’autre, l’inducteur de la bêtise, utilise car il ne la possède pas d’une manière aussi vivante. Et on se fait avoir.

L’humain n’est pas aveuglé par la bêtise, mais bien par autre chose qui lui fait admettre la bêtise pour plus valable que la vérité. L’humain voit, sent, perçoit, palpe même la vérité, lui trouve un bon goût (quoi qu’un peu fade), etc. mais il lui préfère la bêtise de loin plus riche, selon lui, en variétés, en formes, en fonds ; ce qui est faux, bien sûr. La bêtise est banale, morne, plate, uniforme, blanche ou noire, de droite ou de gauche, vieillotte ou jeune, défraîchie ou ravivée : elle se reproduit toujours avec les mêmes moyens, de la même manière et dans des formes similaires. On riait déjà dans le livre aussi vieux que la prostitution, des mêmes gags éculés sur la sexualité bête, insatisfaisante de l’amour, de celle de la femme comme celle de l’homme (à qui il ne manque aucune côte) que l’on rit de nos jours sans qu’ils soient plus crus car la chair est aussi fade, froide et flasque ; on est peut-être moins sanguinaire.

En fait l’humain n’accepte pas le mouvement à moins qu’il ne soit différé et exécuté par un autre, sinon il le tuera dans l’œuf, très tôt, intra-utero parfois. Si la vérité et la bêtise provoquent ou procurent une émotion, la différence entre l’émotion provoquée par la première est différente que celle provoquée par la seconde. La première est profonde, la seconde est superficielle. Vous allez me dire que c’est là un jugement moral, personnel qui n’est étayé par aucune étude sérieuse inférée pour écarter l’élément erroné qui formule mon hypothèse. Et si un des deux éléments est erroné, puisqu’il n’en reste qu’un, l’hypothèse est fausse et non avenue. Pour admettre donc que cette hypothèse est juste, je suis obligé d’admettre que la vérité est profondément émouvante et la bêtise supercielle, d’emblée. Ach’, me voilà bien coincé ! Je ne peux prouver la vérité qu’en posant pour certaine mon hypothèse. Zut. C’est plus une hypothèse, mais une vérité, alors… et je n’ai rien prouvé. Vous êtes donc obligés de me croire.

La vérité doit être prouvé, au même titre que la bêtise. Mais le problème avec la preuve de la bêtise c’est qu’elle est vraie et avec celle de la vérité aussi. Comment m’en sortir. Hé bé, y’a qu’à sortir de la bêtise pour voir si c’est vrai, n’est-ce pas ?

En conséquence, ce qui est vrai est vrai et ce qui est bête est vrai dans la mesure où je constate sa bêtise, sinon c’est bête. Savoir s’il est plus intéressant d’être dans le vrai que dans la bêtise est une question de goût personnel, je vous le concède. D’ailleurs, du fait de l’incertitude des bornes humaines, on ne peut être si affirmatif tant de la bêtise que de la vérité. Ces bornes sont flottantes, comme son angoisse et la bêtise étant le fruit de l’angoisse humaine face à la vérité, perdre l’une, perdre l’autre, tout cela est fortement incertain, c’est certain.

L’angoisse de l’humain face à la vérité, l’évitement, « le déplacement de l’attention du point central vers une périphérie incertaine » en corroborant l’incertitude de la vérité de l’être est le nœud de cette affaire.

Cette angoisse se répertorie en deux catégories où chacune d’elles ne voit pas son effectivité identique. Il y a l’angoisse flottante, inhérente au vivant et qui lui permet de se mouvoir, d’être différent et celle qui est en surplus de l’angoisse flottante qui est la conséquence de l’absence du mouvement accumulée, de l’angoisse flottante accumulée faute de mouvement. On voit que cette haine du mouvement, de l’émotion sinon que de loin et par un autre, trouve là son origine, sa « raison d’être ».

La « raison d’être » de l’angoisse flottante est la sauvegarde. Elle est un élément de la joie de vivre en immersion dans son environnement, le contact indispensable pour ne le perdre pas. Plus on va dans l’animal prédateur et moins cette angoisse a d’occasion de se manifester, car moins on craint pour sa propre existence (je n’emploie pas le mot « vie » : on ne sait plus à quoi cela correspond !). Ce sont les animaux prédateurs qui ont le sommeil paradoxal le plus profond et le plus long, et en ce domaine, le seul qui surpasse l’humain est l’ours. La nature n’a pas prévu l’arc et la flèche qui sont une invention humaine ; mais ça ne l’empêche pas pour autant de dormir, l’ours.

Dans la panoplie des meilleurs sommeils chez l’humain, on trouve aux moins bons le patron et le commerçant (qui ont peur l’un pour sa place, l’autre pour ses sous) et dans les plus profonds, l’ouvrier qui n’a aucune responsabilité. L’absence ou la profondeur du sommeil paradoxal rend plus nerveux les patrons et les commerçants et non plus intelligents ceux qui en profitent le plus. Quand je vous disais que nous sommes bornés ! L’intérêt des uns et des autres va à l’encontre de la résolution du problème du bonheur de vivre ! L’absence de sommeil paradoxal induit par accumulation une forte angoisse qui se nourrit elle-même par accumulation et trouve les ingéniosités pour l’induire chez les autres par accumulation.

On savait qu’une des jouissances diaboliques du riche est l’accumulation, en fait c’est un tic, il ne peut faire autrement pour satisfaire son impuissance face à l’accumulation de son angoisse provoquée par l’accumulation de l’absence de mouvements émotionnels profonds fruit de la vérité évitée qui donne ainsi à sa vie cette superficialité, « ce déplacement de l’attention du point central vers une périphérie incertaine ». Ce tic est contracté très tôt, dès la petite enfance, hélas, avant même l’apprentissage du langage. Faute de mots, il se manifeste par la production effrénée d’objets sur lesquels on reporte la stabilité de cette angoisse sans jamais trouver pourtant sa fixation, sinon que dans une autre dépression de cette affectivité devenue maniaque, par exemple, le retour sans fin d’une pseudo satisfaction insatisfaisante. Ou autre chose.

La jeunesse se trémousse et elle a raison. Vieille, elle fera un peu moins que ses aînés car elle se sera trémoussée un peu plus.

mardi, 27 novembre 2007

Sens des proportions

J'ai entendu, à une conférence de Patrick Viverai, que la richesse cumulée des 225 (deux cents vingt cinq) personnes les plus riches de "notre" planète correspond à la richesse cumulée des 2 500 000 000 (deux milliard cinq cent millions) personnes les plus pauvres de la même planète (en fait je me demande si c'est la leur).

Et en plus on veux nous faire travailler plus pour vivre moins ?

Mais pourquoi ces pauvres acceptent-ils une telle déchéance de la vie ? la leur.

La richesse est une maladie des riches et des pauvres qui ne s'applique pas identiquement aux uns et aux autres et ne se manifeste pas par les mêmes symptômes chez les uns que chez les autres. Ici probèmes de cœurs, là problèmes de digestion.

Mais le tronc commun c'est l'appauvrissement de l'affectivité chez les uns comme chez les autres. Chez les uns, on n'y pense pas, en conséquence on ne perçoit rien et la scélorose affective ne fait rien percevoir ; chez les autres on est trop amoché affectivement pour penser à une autre plainte autre que ces douleurs d'estomac et de traîner la pattes derrière les uns.

Cette organisation sociale de l'affectivité est branque, totalement branque ; et ne trouvera JAMAIS sa solution car, justement, c'est la solution à cette folie qui en est la solution et cette maladie de l'affectivité ne peut elle-même se guérir. La SEULE solution est de ne l'acquérir point, de ne pas tomber malade, mais ces branques affectionnent particulièrement de faire que leurs enfants, la SEULE solution à ce problème de tordus, tombent eux aussi malades.

La perte du sens de la proportion est une manifestation de la perte de la vivacité affective, qui est elle-même la garante d'une autonomie sociale par l'adéquation de l'équité.

Travaillons moins pour vivre mieux et n'instillons pas cette vilaine maladie à nos enfants : le labeur, la soumission, la résignation, l'odeur du pourri (ou des gaz d'échappement, d'usine,etc.), la chéfitude et le reste. Laissons aux bœufs ce qui est aux bœufs, octroyons-nous la faculté d'être ce que nous sommes. Zut !

lundi, 12 novembre 2007

Mutilations génitales féminines

Voici une lien pour une pétition sur le sujet des mutilations génitales féminines.
Il y a une vidéo, je n'ai pas voulu la voir.

Voir aussi : la Commission pour l'abolition des mutilations sexuelles-France http://www.cams-fgm.org/

N'oublions pas, cependant, mes chers frères, mes cheres sœurs, une autre mutilation génitale sur le mâle de notre pauvre espèce : la circoncision, dont voici qelques liens :

Contre la circoncision, entre autres :

La Ligue pour l'abolition de la circoncision : l.a.c.free.fr/liens.html
les Juifs contre la circoncision : www.jewsagainstcircumcision.org/
et aussi www.enfant.org

lundi, 22 octobre 2007

Cyprine et mouillure sont les mamelles de la vie vivante

Si je devais établir une bibliographie de ce que j’ai lu pour assertir mes thèses, le nombre des livres que j’ai lus ou étudiés est suffisamment important pour correspondre à moins des bouteilles de vin que j’ai bues. Ce qui est assez normal du fait que de lire un livre prend généralement plus de temps que de boire une bouteille ; et que si relire un livre qui vous a plu est encore possible, il faut en ouvrir une autre pour tenter d’en retrouver le goût qui se modifie au fur et à mesure qu’on la termine.

On peut aussi dire que le nombre de bons livres que l’on peut lire au cours d’une vie n’est pas très éloigné de celui des bons amis ou des amantes chatoyantes que l’on rencontre. Ce n’est pas seulement ici une question de chance (ou plus sporadiquement une affaire d’opportunité) à laquelle on ne peut pas grand-chose sinon que d’en suivre le cours qui va comme celui d’un torrent : parfois impétueux et souvent à sec. C’est que les rencontres sont pour une grande part sujettes à des idées du moment qui courent votre tête en ce qu’elles sont en correspondance avec votre cœur dont les dispositions ne sont pas toujours celles qu’on désirerait. Les rencontres se résument à des concordances éphémères où les amours que l’on voudrait propres se frottent à celles qui vous bouleversent pour vous émouvoir : on choisit ce qui vous mène au pire de ce que vous pouvez être sans jamais l’oser seul, car le partage est une jouissance communiquée (et alors communicable à plaisir) du fait que dans ce monde toujours emprunt d’angoisse, elle répond encore à une limite de permissivité, un encadrement duquel l’espoir de vivre se permet épisodiquement d’envisager un autre mode de plaisir plus simple et plus envahissant.

Oui, l’idée m’est venue d’une bibliographie vraie, mais l’écrire me fatigue déjà à l‘idée de l’établir : on ne boit pas impunément ! Le lecteur doit ainsi admettre, par sa propre expérience hydrique, que des fatigues ne sont pas toujours fertiles… pour son prochain. Je ne trouve donc confronté à cette sorte de résumé qui dit petitement plus que la quantité de mot qu’il emploie, mais qui n’en détient pas moins le poids de ce qu’il tend à affirmer : toute la littérature de mon temps, à de rares exceptions près, et ce depuis environ huit mille cinq cents ans, ne décrit qu’une seule et similaire angoisse de l’amour : celle de ne s’atteindre jamais dotée parfois de la profonde constatation de ne le pouvoir jamais profondément atteindre.

Point n’est besoin d’être grand clerc pour le dire ou pour l’écrire : cette persistance de cet impossible à atteindre a fleuré bon dans toutes les religions, tous les dieux, toutes les femmes violées et tous les hommes émasculés en symbole ou en tranchant. Et je ne suis pas le premier à mettre le bout de mon doigt sur cette affaire connue. Cyprine et mouillure sont les mamelles de la vie vivante.

L’occasion est de dire alors, sans aucune référence épistémologique par le singulier défaut de se montrer pléthorique, que le but, la recherche, la poursuite du plein amour, de l’orgasme extrait d’une prospection sempiternelle, de l’orgasme pulsionnel, battant du cœur et de l’esprit unis sans contradiction rédhibitoire, qui va et qui vient sans objet troqueur, ne se rétablit que par la reconnaissance de son impossibilité et la recherche effective, pratique et pratiquée de sa réalité… qui inclut ses défauts.

Ce que j’ai lu même ne me permet que de parler en quelque sorte que par énigme : respect de l’autre, incertitude personnelle, relativité des actes et des êtres qui les commettent. Moi même, ne suis-je pas qu’un simple poivreau… heu… poivrot ? Je vais vous raconter une histoire vraie.

À Paris, du côté des Halles rénovées, un contorsionniste fait sa planche (il s’exhibe pour gagner des sous). Des gens pourvoient à sa sébile, épatés par les formes qu’il donne à son corps. Passe un groupe de « jeunes » qui s’accapare en passant de l’argent entassé par le public. Le contorsionniste est stupéfait (mais on voit bien à son regard que ce n’est pas sa première expérience de l’affaire) et moi je suis outré de l’acte. Je proteste et m’interpose sur le chemin des ravisseurs. Je me trouve rapidement entouré et acculé à un grillage : on me demande des comptes ! Je négocie ma vie en jeu et reçois, comme un fauchage, un coup de pied au plexus d’un quidam de cette bande de pseudo-révoltés (en fait : des provocateurs d’émotions brutales et brutaux). Je fais triste mine : on m’oublie.Mais qu’en est-il des gens qui ont pourvu à la sébile et qui ont vu leur argent s’orienter vers une destination à laquelle ils ne l’avaient pas attribué ? RIEN, pas un geste, pas une moufte, comme on dit dans ce monde du réel.Pas un soutien, ni au frustré de l’objet de son travail, ni à une personne qui s’est offusquée de cette frustration. Des ploucs, comme depuis huit mille ans, la tête baissée sur leur incapacité de réagir opportunément aux actes de leur propre vie.Il en est de même de ces autres ploucs, aussi actuels, devant une télévision : le regard perdu, inactifs, devant le miroir de l’impossibilité qu’ils attendent de se voir refléter.

L’angoisse, à tout dire, ne se situe nulle part ailleurs que dans cet endroit du cœur qui craint de rejoindre son âme : l’orgasme. Si je suis qui je suis, c’est que je n’ai jamais, ô combien jamais, considéré comme une aventure le fait d’acheter quelque chose à prix d’argent et de toujours payer de ma personne pour obtenir ce que je désire.

En somme, un de mes résumés bibliographiques possible est de refuser le salariat comme alternative à l’angoisse, à celle qui, précisément, vous empêche de s’atteindre soi-même, à travers l’autre, la perte de l’angoisse. Le salariat est l’exacte mesure de la séparation des êtres comme proposition achevée à l’établissement de leur séparation.

jeudi, 20 septembre 2007

Taxidermie des émotions

Le mystère le plus interrogeant est celui de la vie sous la forme d’être animés et inanimés. Chacun naît, vit et meurt... selon un processus. Reste une énigme de taille : qu’y a-t-il entre la mort et la vie en tant que sens, mouvement continu de la vie. S’il est connu, dans l’orientation du temps, l’aspect que prend la vie dans sa manifestation particulière qui va de la naissance (ou peut avant : la conception) à la mort (et à la décomposition du corps qui a vécu), rien n’est vraiment su de ce qui se passe entre la mort et... ce que l’on imagine qui est, car il n’y a rien après la mort particulière, bien sûr.

Ainsi, l’être humain, doté de son imagination qu’il s’imagine être à même de résoudre les problèmes qu’elle pose, c’est-à-dire qu’il se pose à lui-même, a-t-il véritablement inventé pour combler cet espace de vide, d’inconnu, d’angoisse qu’il a perçue, au moyen de sa pensée, dans la mort, des systèmes imaginaires. Il faut admettre que le problème a été évoqué par cette angoisse qui a obligatoirement un répondant, une correspondance dans le vécu même de cet être imaginatif. Je veux dire que le questionnement de reconnaître véritablement ce qu’est la mort et ses amadouements, les caresses qu’on lui prodigue en imagination (même s’il s’agit de rites, ceux-ci ne sont que les gestes de ces caresses) proviennent d’une angoisse qui est, elle, bien vivante et que l’on a bien du mal à maîtriser.

Mais pour l’heure, je vais revenir sur les procédés que cette imagination a créés, sans résoudre à proprement dit l’angoisse qui l’a générée, pour s’adoucir ce néant qu’est la mort.

Généralement, chacun de ces procédés sont des copies de dispositions adoptées alors qu’on est vivant. On renaît à la vie-dans-la-mort lorsqu’on est mort. On ne peut admettre que l’on disparaisse totalement ou partiellement à moins de compensations, alors que l’on meurt, et cela pour plusieurs raisons. La première est la mémoire que l’on a des morts auxquels on a soi-même assisté. Les parents, amis, etc. restent dans la mémoire, réapparaissent dans les rêves, ses manifestent dans les ombres. Mais cela n’est que pure imagination ! Le mort est mort et ne peut réapparaître, se manifester, trouver une réalité à son image. Et dans un monde qui prend l’imagination pour une réalité, le rêve pour de la pierre ou de la nourriture, on ne peut penser autrement que selon la réalité que l’on concède aux images.

C’est bien là le hic. La prise de conscience de la lignée à travers la naissance de grands-mères à mères à filles à petites-filles, la notion d’ancestralité, de naissance de la tribu proprement dite et de son originalité ne peut admettre, puisqu’on existe soi, la mort, la disparition de ce qui fait votre substance même, l’élément vivant de la chaîne des corporalités qui vous a donné naissance et à qui vous donnerez naissance.

Le souvenir, la mémoire des faits, la prise de conscience de l’antériorité (expérience commune à l’ensemble du monde vivant, de l’amibe à l’humain), sensation du temps qui passe dans et à travers sa propre existence en tant qu’élément intégré à un ensemble qui vous dépasse mais dont à conscience de la grandeur, de l’incommensurable, de l’innombrable, pose le problème de la reviviscence. Et l’être humain trouve dans le monde qui l’entoure, des éléments qui lui permettent, avec un peu d’imagination, de corroborer ses sensations : la mue des serpents et de certains arbres, le retour du jour et de la nuit, celui des saisons, la naissance proprement dite, et la mort à laquelle on ne croit pas, le retour annuel d’une crue, le printemps, l’été et l’hivers, et le reste.

Passons en revue le passage de la mort à la vie-dans-la-mort. A toujours lieu une nouvelle naissance qui est assez semblable à celle de la vie. À ceci près que le mort passe par une sorte d’initiation à cette re-vie. N’oublions pas que cela est purement imaginaire ! La mort est une étape de la vie dans un ensemble qui va parfois (mais non obligatoirement) d’une réincarnation d’ancêtre, (et obligatoirement) une naissance vraie, une vie vraie, une mort vraie, un chemin vers la revie et la seconde naissance de vie-dans-la-mort qui est, finalement, la naissance de la « vraie » (en imagination) vie, un moyen de ne mourir jamais.

Pour naturaliser tout cela, l’humain (le seul animal sur cette planète qui cherche à retrouver à dehors de soi la réalité de sa pensée) imaginera des précédés, donnera à voir l’image de ces procédés dans des rites mortuaires qui baveront jusque dans son existence même, lui donnant l’orientation adéquate afin de réaliser la vérité de cette imagination... imaginaire. Une sorte de taxidermie des émotions, en somme.

Les dieux sont des concrétions d’émotions, des concentrations d’émotions, des concrétisations d’émotions. Et ces émotions, quel que soit le peuple auquel on se réfère, relèvent toujours de la mort et de l’angoisse qu’elle manifeste, c’est-à-dire l’angoisse qui se stabilise dans les dieux, dans la vie d’angoisse de la vie. Le problème premier de l’être humain réside dans la perception de son angoisse en tant qu’élément séparé de la vie, en tant qu’élément distinct de la vie comme intégrité, entendue comme un tout. Ce qui revient à dire que l’angoisse que soulève la mort, et qui trouve une stabilisation plus ou moins sûre dans les diverses modalités qui entourent la mort, a pour genèse l’angoisse vivante et présente, actuelle, que traverse l’individu vivant, angoisse qui est devenue pour lui incoercible dans une, quelle qu’elle soit, solution tangible, qui la dissolve en réalité et non plus en imagination.

dimanche, 09 septembre 2007

L'attention tierce

L'invention de Freud Sigmund, la psychanalyse, fut cette fois encore le triomphe de l'intelligence sur la chair*, la résolution des problèmes affectifs humains à l'aide uniquement de l'intelligence.(* L'apôtre Paul disait "le triomphe de l'esprit sur la chair".)

Lorsqu'ils travaillaient ensemble avec Breuer, diverses utilisations de contacts physiques pour résoudre la somatisation du psychisme, la racine somatique de la compréhension du monde, de l'intégration du sujet dans le monde dans lequel il vit et de son influence sur cette compréhension, passaient par le toucher, le massage, la suggestion, l’hypnose, etc. Il y a que ce contact est justement un contact physique et dans une époque qui abhorre le contact physique, cela est véritablement un scandale que de guérir la maladie affective à l'aide de ce qui la provoque, de guérir l'affectivité sans contact par le contact.

C'est ainsi que Freud, après un ou deux scandales issus de cette première méthode, s'est orienté vers une tentative de résolution du problème des contacts affectifs, (dans lesquels on peut inclure la grossesse, l'allaitement, la gentillesse, la douceur, etc.) par l’usage unique de l’intelligence et a bâti sa théorie sur l’absence de contact physique comme allant de soi, comme possible ; alors que la « guérison » passe et mène à l’admission par le sujet de l’indispensable de ce contact et sa résolution pratique : trouver, par exemple, un(e) amoureu(se)x avec l(a)elquel(le) on sombre dans l’amour par profond contact.

Le scandale de Wilhelm Reich et de ses successeurs (dont la plupart ont récupéré son point de vue en en soustrayant l’aspect génital, l’implication de la sexualité dans le contact) est d’avoir remis devant le nez du sujet le centre de son aliénation, son obstination, sa disposition musculaire involontaire, à éviter le profond contact avec soi, avec le monde, le cosmos, ses congénères ; et ses implications pratiques sur la société humaine et le monde.

Et nous en somme toujours et encore au même stade, peut-être avec une évolution, peut-être : on tente toujours de résoudre les problèmes de l’affectivité sociale, personnelle, familliaux par la seule intelligence, par le psychisme dépourvu de soma, séparé de son soma.

Le phénomène grandement important chez l’animal humain de la transmission des idées par des images (en tant que telles et principalement verbales) n’y est pas pour peu : comme au néolithique, nous en sommes toujours à résoudre nos problèmes en image, en pensée et à affirmer qu’ainsi ils sont résolus. Parce que nous pensons solvables les problèmes de contact, en y apposant l’image d’une solution, nous pensons qu’ils sont résolus.

Ces problèmes sont toujours et encore relatifs à notre position dans le monde, c’est-à-dire relatifs à la disposition que nous adoptons vis-à-vis de nous-mêmes. De nos jours, le résultat, pour aussi confortable qu’il soit avec les frigos, les voitures, les micro-ondes, la douche et le reste, n’a pas trouvé de solution satisfaisante car cette misère, que l’intelligence tente encore et toujours de résoudre sans la chair, est toujours prégnante, générale, totalitaire.

C’est que l’absence de contact est aussi l’absence de sa constatation. Déjà. Et ensuite, ce manque de contact n’est le plus souvent solvable que par l’amour, l’attention tierce, l’autre. Encore faut-il l’admettre !

vendredi, 24 août 2007

Le sens de l'histoire suit celui des maux

Ce matin chez la crémière, une vielle dame parle du temps présent et dit :
- Finalement, je préfère lorsqu’il y avait la guerre...
La crémière, guère plus jeune : - Ha ! tient : moi aussi !
Moi, un peu plus jeune : - Ha oui ? Et pourquoi donc ?
La dame : - Mais on parlait dans la rue, on s’asseyait pour bavarder ensemble, n’importe où ! Il y avait une entraide, une solidarité !
Moi : - Et il y avait des bals chaque semaine, et parfois même deux fois la semaine, j’en ai vécu la fin.
La dame : - Hé oui, c’est la télévision : les gens croyent vivre en regardant la télévision... ou l’Internet !

Étonnant non ? Nous sommes, nous vivons, selon des vieilles gens, dans une ambiance pire qu’à la dernière guerre, non pas à cause du confort que nous apporte notre époque, mais bien à cause de la solitude qu’elle génère, de l’isolation dans laquelle elle cantonne les personnes ; cette époque pourrie de communication !

Il n’y a que les vieux pour s’en appercevoir : les jeunes sont nés dedans, comme des serins dans une cage, et ne connaissent rien d’autre. Ils y ont baigné dès le giron, leur mère assise devant la télé, dans l’auto-mobile, dans la résignation. Qu’attendre du sens du mot « solitude » dans une telle ambiance ; de celui d’ « isolement » ?

vendredi, 03 août 2007

Encore une image

On satisfait pas le désir de satisfaction, on satisfait le désir d’être satisfait : il y a encore loin de la coupe aux lèvres ! Et on se sent si peu capable d'atteindre la satisfaction que le vie n'est plus remplie que de ce seul désir de satisfaction.

lundi, 30 juillet 2007

Empathie : totale abscence

Concupiscent individu dont la circonférence sociale se mesure à l’espace inter-pointeuse où il acquiert un tantinet de pouvoir sur l’autre parce qu’il « travaille », au cercle de sa famille où il détient un zest d’autorité, à l’habitacle de son automobile où il affirme son être comme individualité autonome et au périmètre de son crottoir où il va faire chier son chien sur le gazon d’herbe où je ne puis plus poser mon pied sans rencontrer sa merde : celle qu’il laisse sur ce gazon et celle qu’il vit.

jeudi, 19 juillet 2007

Certitude du présent de l’être

Mon neveu se tourne vers moi et me dit :
- Papa, tu sais combien je t’aime...

Je lui réponds :
- Tu sais mon cher ami combien je suis content de passer ce moment avec toi, combien ce soleil qui souligne les lignes du temps que nous passons ensemble m’ai chaud et cordial et combien la poussée de mon affection pour toi déborde mon cœur de sorte que je ne sache pas si je puis un jour te la faire comprendre (mais je sais que tu la ressens avec plaisir pour aussi faible qu’elle soi). Néanmoins, je dois te dire ceci :

Je ne suis pas ton père. Tu as un père qui est seul et unique, indispensable à ton existence tout comme tu as ta mère seule et unique et pourvoyeuse des premiers plaisirs de ta vie. Tu n’as qu’un père duquel je ne voudrais pas, dans ton affection profuse et adaptée au temps que tu vis comme l’eau au poisson, que tu m’y mélanges.

Tu es issu du mélange unique et désiré des gamètes de ce père et de ceux de cette mère, dont je ne puis et ne suis rien.

Et ce mélange, toujours aléatoire puique deux sœurs ou frères ne sont jamais identiques, est la seule chose dont tu puis te revendiquer comme, toi-même, unique résultat et qui fait qu’en ce moment présent tu m’affectionnes, être du présent, autant ou plus que ton père... et tu en as le droit.

Mais je ne suis pas ton père : en plus d’être le frère de ta mère, au mieux, et j’en suis profondément fier, je puis être ton ami et de cette amitié reçois-en la reconnaissance, fils de la vie !

lundi, 09 juillet 2007

Quand on en a peur, comment l’admettre ?

N’allons pas croire que je regarde cette affaire de haut. Non. Sinon, peut-être, du haut de ma tristesse.

Toute la vie organisée sur cette planète, à part de rares petits lieux quasi négligés, est rompue à la moindritude de la vivacité. Toute la vie sur cette planète, là où règne un état plus ou moins évolué du patriarcat, qui va jusqu’à nos jours dans la gestion des simples apparences pour substrat d’objets sans qualité sinon que celle d’une simple apparence, est dominée par l’obstination tenace, titique et enracinée de devoir amoindrir la vitalité dont on est pourvu dès le plus jeune âge ; et sans aucun doute dès l’instant même du zygote. Alors que j’eusse eu grand plaisir à constater le contraire.

Nourriture dévitalisée de supermarché, drogues « purifiées » ; « où est-ce que tu as mis tes mains, encore : elles sentent le pipi » ; le micro-onde ― qui, du point de vue de la vitalité, est comparable à l’explosion de radiations nucléaires des années 50, avec cette proximité particulière que cela se passe chez soi ― ; travail sans intérêt (travail, donc !) ; pesticides dès le lait maternel ; moindre croissance du fœtus en relation avec les micro-particules issues du moteur diesel ; irrespect de l’autre ; claustration familiale ou clanique des pensées ; outillage gangrené par l’usure pré-calculée ; ce fameux réchauffement de la planète, qu’il y a seulement dix ans, malgré « un fort faisceau de certitudes » était encore incertain pour les plus obstrués par le pouvoir régissant l’organisation et la régulation de la circulation des marchandises, c’est-à-dire sa production matérielle par des imbéciles qui refusent de ne plus l’être ; fruits de la terre nourrie par le soleil gavés de chimiquerie qu’ils ne se peuvent conserver plus de trois jours à l’air libre ; soleil que cette puce organique prétentieuse parce que dotée d ‘une « réflexion de la pensée sur elle-même » veut sans fin imiter dans des dépenses énergétiques démentielles que ce même soleil a pourvu, pourvoit et pourvoira au surplus qu’il dépense comme un damné de lui-même ; la corruption des alcools et le reste.

Et après cela on va dire que les alcooliques sont des parasites humains et ennuyeux ! Mais, ces drogues, qu’on autorise ou qu’on interdit, sont précisément des moyens d’amoindrir une vitalité devenue SOCIALEMENT intolérable de vivre.

Ces transports « en commun » où l’on doit ne pas mettre la main là où on sent qu’elle serait acceptée, plus ou moins alors que l’on est si proches l’un de l’autre, car on y est tant pressés qu’on n’y peut plus bouger : n’est-ce pas là une dévitalisation de la vie rendue encloisonnée par le mur des autres humains pour des « raisons » obscures de salariat, d’achat(s), de soumission à une idée du temps, de productivité mortelle ou mortifère ?

Tout, je vous dis : tout, est fait pour amoindrir la vitalité, des bancs d’école, à la salle d’accouchement, de la police à la bureaucratie, de la justice à la liberté. Tout. Et rien pour (je n’ose pas dire « la grandir » mais plutôt :) la « maintenir » en vie.

mercredi, 04 juillet 2007

Paradoxe du cinéma, paradoxe des images, de l’imaginaire !

Pour autant, toutes les femmes et filles que j’ai rencontrées, aucune n’a jamais correspondu, même de loin, à une seule de celles que le cinéma montre. Jamais.

Pour autant ce serait assez précisément ce que me montre des femmes et des filles le cinéma qui correspondrait assez à ce que je désirerais vivre.

Aussi, devant ce phénomène contradictoire, flagrant et indubitable, je dois prendre une fâcheuse décision : qui a raison de la réalité et du cinéma ?

La réalité, bien sûr.

Le corollaire à cette réponse sera donc : le cinéma est :
- soit un baise -couillon (moi),
- soit une fumisterie,
- soit une flagornerie, une billevesée, une étourderie, un mesonge,
- soit un anesthésiant des désirs réalisables,
- soit un évocateur trompeur et fallacieux,
- soit que la montre de femmes ne correspondant pas à ce qu’on attendrait d’elles,
- soit que les femmes y sont ce qu’on attend d’elles mais ne pas être ce qu’elles sont ou seraient,
- soit le cinéma se fait un cinéma sur les femmes,
- soit les femmes se font un cinéma sur le cinéma,
- soit...
bref ça ne concorde en rien, sinon que par bribes minuscules, éparses et disparates. Les gens sont bien plus plats, inimaginatifs et terriblement beaucoup plus niais que ne le montre le plus niais des imbéciles (homme ou femme) qui figurent sur la pellicule superficialisée d'un écran.

Ce n’est pas que les gens ne soient pas intelligents, aussi tant qu’au cinoche, non, c’est que le cinoche n’a rien à voir avec ce que vivent les gens : c’est « précisément » cela qui m’intéresse, enfin.. si cela vous intéresse !

Ce que je pense, c’est que les gens qui regardent de cette ferveur rétribuante tous ces films est qu’ils attendent qu’on leur montre de ce qu’ils seraient capables de faire et ce qu’ils entendaient être. Pauvres cons dépourvus de vie propre qu’ils doivent trouver ailleurs qu’en eux, que chez eux pour y trouver un attrait. Car il faut vivre une vie sans attrait, vraiment, pour aimer tant ce que me montre le cinéma, LEUR cinéma, celui qu’ils font de leur vie propre et que l’on reproduit pour qu’ils s’y réflettent dans toute la grâce adipeuse de leur immobile vie.

Le malheur des gens est de bien plus profond que tout ce que peuvent ces images montrer. Le malheur des gens est profond. Le malheur des gens, au regard des images qu’ils nous montrent de leur assentiment rétributif, c’est leur solitude (faute de commun), l’amour qu’ils aimeraient donner et dont ils ne savent pas vivre l’expression. Le malheur des gens c’est la mort qui règne dans leur cœur, dans leur âme duquel ils ne savent se défaire qu’en visionnant des fadaises : le rêve de l’absence d’immobilité.

On est toujours jaloux de ce que l’on voudrait vivre, toujours, mais ce « ce que l’on voudrait vivre » n’aura JAMAIS de réalité, car on ne peut que le vivre par soi-même et, dès lors, nous n’aurions plus aucune raison d’en être jaloux.

mercredi, 27 juin 2007

L'autre insouciant

Je me demande si la joie de la femme ne venait pas du simple fait qu’elle n’est là que pour être ce qu’elle est... le plus plaisant possible auquel on mène la vie dure.

C’est à dire d’être l’être qu’elle est dans l’insouciance d’être. Car finalement qu’est ce que la vie pour la femme, sinon que le plaisir entre l’amour ??? Le plaisir d’être conjoint, absolument, de se sentir liée au monde... parfois à travers l’homme profondément.

Elle n’est pas un objet, une suivante, elle est une joyeuse participante à l’accomplissement de la vie qui va son cours. L’homme (le mâle de notre espèce) n’est pas un orientant, un dirigeant, il est l’évocation d’une idée du monde, car la vie est somme toute dérisoire, vraiment qu’elle vaille le coup d’être vécue dans l’oubli d’elle-même.

C’est pour cela que l’on peut demander à la femme n’importe quoi : de montrer son sexe, d’embrasser un autre acteur, et tout cela avec le sourire, car la vie contient ce dérisoire qui est annihilé par la joie de se donner à elle.

Je crois que la maladie affective de l’être humain a pour origine le fait d’avoir transformer les déboires de la vie en coups du sort, les aléas de la vie en avanie. Il y a longtemps, très longtemps, il n’était « matériellement » pas à même de se protéger, je veux dire que l’évolution de son intelligence n’avait pas suivi celle de ses capacités techniques pour se protéger « consciemment » des déboires de la vie, mais l’a précédé et de loin. Ce qui fait que la perception qu’il a de ces aléas, en fonction de ce qu’il aurait dû être capable (imagination), ne lui a permis de résoudre ce problème qu’en imagination, « en images » : ce qui revient à dire qu’il n’a RIEN résolu.

C’est l’angoisse du sort qui a provoqué l’angoisse d’orgasme, indirectement certes, mais indubitablement ; et à son tour l’angoisse d’orgasme a amplifié l’angoisse du sort.

À penser que le bonheur consiste pour une grande part à se laisser sortir de soi (musique, amour, poésie...) globalement, par l'activité d'une autre personne ; et que la sensation que l'on a de vivre revient alors à se dire qu'on participe à cette réalisation. Pas facile à décrire encore. Pas si facile de poursuivre le dérisoire pour le transformer en bonheur !

vendredi, 22 juin 2007

Premièrement

Le scénario de Così fan tutti de W.A. Mozart, est intéressant : on y retrouve un schéma qui peut s’appliquer sur bon nombre d’événements de la vie quotidienne : relation parent-enfant, après apprentissage enfant-enfant et relation, bien sûr, adulte-adulte.

Il s’agit de cette histoire : un pervert veut prouver à deux prétentieux que la fiancée de chacun d’eux n’est pas si fidèle qu’ils le pensent. Ce pervert imagine une épreuve dont les fiancés eux-mêmes sont les acteurs : ce sera les fiancés qui soumettront à l’épreuve la constance de leur fiancée, à ceci près que l’un va aller à la fiancée de l’autre et inversement.

Ayant trouvé un prétexte d’absence, on les voit alors revenir sous un déguisement. Et chacun d’eux de travailler au corps la fiancée de l’autre pour qu’elle lui cède. Ici tous les moyens sont permis : chantage, mensonge, duperie, bassesse, villénie et le reste. Ils sont aidés en cela par la gouvernante même de nos jeunes filles.

L’une cède. Ha ! la faiblesse féminine ; et le fiancé qui l’a séduite de pérorer devant l’autre comme un paon. Le fiancé lésé qui est un des maîtres du jeu qu’ils ont tous deux instigué à la requête d’un pervert (ils sont de fait devenus eux-mêmes pervers avec pour base l’honneur, la tenue d’une parole, etc.) se met alors à conspuer son infidèle fiancée, à se donner une autorité sur sa vie jusqu’à vouloir sa mort.

Et ce fiancé lésé entreprend de pervertir à son tour la fiancée de l’autre pour qu’elle lui cède, qu’elle se donne à lui : qu’il mette sa pine dans son con, soyons clair, car le but de ce jeu dérisoire est bien celui-là : éviter le viol par le don d’elle ; c’est plus civilisé.

À son tour, le prétentieux trahi de vilipender cette femme qui a souffert les affres de l’indécision, de l’injustice, du désir, de l’eau du baiser, des caresses chatoyantes du fait du jeu même qu’il a institué pour se prouver à lui-même qu’il ne peut en être autrement que selon ses vues perverses ; alors qu’elle aurait dû restée de glace, comme une morte, en somme, dont lui seul aurait le droit de lui donner à vivre la pulsation de la vie. Si l’honnêteté avait guidé sa pensée, il aurait tout de suite refuser de mettre à l’épreuve ce qui ne prouvera rien du tout, sinon que son propre malheur et celui dont il se dit si cher.

Ce schéma donc (aiguillonner le mal pour en reporter ensuite l’origine sur une autre personne une fois que ce « mal » éveillé eut donné un résultat pire que celui auquel on s’attendait) est visible partout et à tout moment. La mère qui, le frère ou la sœur qui, le père qui, le mari ou l’épouse qui. Cela se passe comme si cela ne pouvait pas ne pas se passer, par une sorte d’obligation (peut-être un mauvais traitement au problème de l’ennui, à celui de la morale ? Je ne sais) d’exécution à travers laquelle tout doit passer, sous le joug bêtasse de qui tout doit trouver soumission et blessure, un malheur en somme inévitable bien que pertinemment construit pour trouver son effectivité.

Et cela tient sur la déresponsabilisation de soi des événéments que l’on provoque soi : c’est se défaire soi de la responsabilité que ce que l’on a provoqué soi. La tournure n’est pas si évidente à saisir parce que l’énergie saillante se manifeste dans la catastrophe alors qu’elle se charge dans la mise en place de cette catastrophe, en amont du temps. Et un regard aiguisé perçoit très vite le changement du sain en sanie qui amplifie son écoulement, et tentera aussi vite d’en faire cesser le débit par une démonstration prospective de ce qui va advenir.

Cependant, ce regard se demande aussi si la manière dont se déroulent les choses n’est pas comme une source de plaisir (celui de se rouler dans la fange du malheur ?) car même le cas d’une démonstration pertinente de ce qui va inévitablement advenir des prémices qui se passent devant nos yeux, l’animal humain en rajoute, comme s’il voulait absolument que la catastrophe montre ses malheurs réellement. C’est le plus étonnant.

Comme s’il voulait avoir une raison de pleurer, non pas de bonheur, mais de malheur... d’une manière indispensable ! D’ailleurs, vu la difficulté qu’il a de comprendre ce scéma qui pourtant lui est montré, démontré et souligné de mille manières dans ses romans, films et pièces de théâtre, il est peu capable de construire son bonheur, par lui-même, qui ne consiste tout simplement qu’à s’éviter des malheurs, premièrement.