Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 26 octobre 2010

En faim, le baiser qui tut parle

Outre ses cheveux fins et blonds comme les rayons du soleil, son sourire, les battements éclectiques de son cœur, sa malice et son angoisse féminine, Annie était tout simplement la femme la plus baisable que j’ai rencontrée de ma vie… et qui me le rendait bien ! Elle est aussi grande que moi, blondinette, un agréable visage et sourire, pas grosse, les fesses juste ce qu’il faut pour être très jolie : ni garçonne ni popotin, et ses seins ont grossi assez fortement lors de notre fréquentation. Et c’est là que se pose le problème : la satisfaction sexuée. Car, cette satisfaction et ses conséquences la gênaient beaucoup : de voir ses seins devenir si beaux la dérangeait, de même que de voir son visage s’adoucir, d’avoir envie de laisser pousser ses cheveux, de porter des robes ! et peut-être même des jupes : de devenir un peu plus féminine, en somme.

Je me pose la question souvent de savoir ce qu’une femme a besoin de guérir en moi qui lui fait me fréquenter : il me semble que, pour cette fois-ci, la guérison venait de moi et qu’elle a été refusée pour ses conséquences. Car la féminisation de la femme conduit à plus de féminin encore, c’est-à-dire à devenir amoureuse à cause de ce féminin et non plus seulement à cause d’une idée directrice, si je puis dire, morale. Si Annie a reconnu en moi une part de son « masculin » qu’elle pouvait exprimer, elle a reconnu que ce masculin implique SON féminin pour s’exulter et cela l’a gênée. Je me souviens d’un rendez-vous à la campagne où nous devions passer une semaine ensemble. Je dois préciser qu’elle était mariée mais que son mari ne l’avait pas touchée depuis les deux ans, au moins, précédant notre rencontre… alors qu’ils dormaient dans le même lit. J’ai un peu tiqué, intérieurement, sur ce fait, car, généralement, la disposition d’un tel refus vient de la femme (un homme quitte le lit lorsqu’il ne veut plus de sa compagne) et j’ai trouvé comme un trait de sadisme à se refuser de si près puisque déductivement, son homme, toujours dans ce lit, attendait d’elle son ouverture. Mais enfin… lorsqu’on trouve une telle femme, il est bien difficile de ne lui  pas laisser comme des flous volontairement entretenus pour profiter de ce que l’on a, sur le champ et qui vous donne tant de plaisir partagé. Cette fois-là, donc, à la campagne, Annie a été complètement sèche, tant des lèvres du haut que celles du bas et les baisers impossibles à poser : la culpabilité était si forte de pouvoir prendre tant de liberté sexuelle – aller avec un amant pour profiter de son amour – aussi bien vis-à-vis de son mari que de ses enfants (qui devaient, dans cette tournure d’esprit, prendre un soupçon d'illégitimité) – tout cela lui a été insupportable. La liberté du vivre est insupportable pour la culpabilité.

Et puis, j’avais remarqué que plus nous avions de plaisir au lit (ou ailleurs, comme couple) et plus une forme pernicieuse de distanciation s’opérait. Je l’avais prévenue du fait que l’orgasme, lorsqu’on n’y est pas trop habitué, fait peur, que l’on doit absolument le savoir pour pouvoir remarquer les réponses négatives que l’on peut avoir vis-à-vis de l’amour qu’on éprouve et qui se trouve dégradé pour des raisons ; et par des réactions ambiguës d’acceptation, de pleurs et de dénégation alternativement qui sont le pendant de la bataille qui se mène en vous de l’acceptation pleine de ce que vous vivez de bon, d’adapté à vous et vos besoins, opportun. Mais, quoi qu’on dise, il faut un sacré caractère déjà porté sur le plaisir pour réagir favorablement à de telles recommandations parce que, généralement, suivant les dispositions de cette société vis-à-vis du plaisir (genre ce qu’entend wikipédia de l’orgasme, de l’hétérosexualité, de la pornographie) le départ est faussé, et de loin pour une arrivée plus heureuse. Ainsi, on ne remarque pas qu’on adopte des attitudes sensiblement « hystériques » sur des points de détails qui ont, certes, une base légitime, mais dont on ne perçoit pas immédiatement que l’adoption est négativante, comme un ballon (le détail) trop gonflé qui éclate au moindre contact (le baiser) et vous fait refuser la sensation du don et de sa perception. Attention ! je ne suis pas bête : cet argument ne cache pas mes propres incapacités à donner de l’amour, à comprendre les besoins de mon amante et à m’y adapter ! Il s’agit du laisser-aller confiant, comme un don de soi au plaisir que l’on éprouve et que l’on doit mettre bien plus haut que bien des contingences qui jouxtent souvent des rejets de ce que l’on vit, ici & maintenant, comme quasiment inacceptables du point de vue de la morale que l’on n’oublie pas comme étant celle du sacrifice (dont l’Économie marchande est la démonstration parfaite). D’ailleurs, dans le cadre de cette morale, tant que la femme reste dans ce sacrifice, elle y trouve raison et autorisation de plaisir : cette société ne lui laisse que cette forme de légitimité (mais à la fois, lorsqu’elle regimbe à cette obligation, elle oublie aussi que tous les hommes ne sont pas totalement en faveur d’une telle morale et qu’ils éprouvent, eux aussi, des difficultés à s’y soustraire !).

J’avais, pour moi, rencontré en Annie, LA femme. Il n’est pas aisé de comprendre qu’un homme est un être entier, qu’on a cela parce qu’il est ceci à côté, en bon ou en moins bon et que l’amour vécu relie entre elles ces parties que l’on croyait éparses et que c’est avec grand plaisir que cela se passe. Il en est de même de la femme, bien évidemment, mais avec SA spécificité sociale. Ce n’est que tout dernièrement que j’ai compris pourquoi je l’aime tant et qu’elle me reste tant en mémoire (qui est chez moi physique) : parce que Annie est la femme la plus baisable que j’ai jamais rencontrée de ma vie (ce qui signifie, pour les obtus : celle que je peux le mieux aimer et dont j’éprouve le plus de plaisir à aimer et vivre AVECsi le plaisir est une cause, il est aussi une conséquence) ; et je comprends aussi pourquoi j’en ai tant de nostalgie jusqu’à me dire que cette séparation est une bien grande punition que m’inflige la vie, punition que je ne comprends évidemment pas, mais qui est là quand même. Je ne nie pas que je suis moi-même un peu compliqué et que mes calculs sont assez souvent nébuleux, encore qu’avec Annie, j’ai adopté comme ligne de conduite de toujours peser le bon que j’en recevais, de tout ce que je pouvais trouver de séparateur, et il y en avait : l’un surpassant l’autre, je n’ai eu aucun choix à faire. Je ne peux pas dire que ce genre de sacrifice (ceci contre cela) à l’amour a été trop loin en balance de ce plaisir et qu’en conséquence, il ne tient qu’à moi d’en pâtir, effectivement. Mais je sais aussi que celui-ci qu’elle a fait en pleurant à chaudes larmes de renier le plaisir que nous avions ensemble, sacrifice basé sur le contradictoire de devoir choisir entre une « fidélité » à son mariage (dont elle exclut sa sexualité) et le bonheur d’un homme (illégitime puisque non socialisé) et ce paraître femme débauchée car tant versée sur l’amour dit « physique », en préférant, aujourd’hui encore (ce me semble) vivre seule plutôt que bouleversée, me spolie d’un présent de la vie dont j’aurais pu parfaitement profiter.

Et je vais vous dire pourquoi : quand LA femme en arrive à un tel point de participation à l’acte d’amour qu’importe le moment ou le lieu qu’il en est très généralement réuni de la satisfaction car le commun ne se pose plus comme question mais se manifeste comme certitude, il y est perçu comme une humiliation d’être moralement tombée si BAS ; et c’est faire faute, corrélativement, à ce que son homme perçoit de soi qui ne correspond pas à ce qu'on attendait de si haut et qu'il vous arrive de partager pourtant. Pareillement du rire, de la cuisine, de la beauté des choses ou d’autre ; et qu’à la compréhension que le défaut de satisfaction provient d’un entêtement à dire un muet « Non ! » et de ses conséquences qui vous suspendent à une incompréhension qui vous dépasse, on s’aperçoit tout à coup du LIEN qui vous retient et qui peut facilement devenir une chaîne au bout de laquelle, non pas allégé par une plume, mais balourdisé par un boulet, comme ce muet « Non ! » qui vous oblige à la traîne… on a peur que cela soit. Ce « Non ! » muet n'est que rarement relatif à l'amour des corps ou des âmes, mais toujours à des choses du quotidien : c'est là qu'est le paradoxal : l'attente du désir confronté au besoin, des représentations devant lesquelles on ne sait quoi faire, auxquelles on ne s'attendait pas et qui ne correspondent pas à ce qu'on attendait de soi dans la vie. C’est un manque flagrant de confiance en la vie, en soi, en l’autre (le contexte social y est pour énormément). Et c’est pourtant cette fragilité qui vous a permis cette ouverture à propos de laquelle on ne reste toutefois que sur le seuil.

On retombe alors dans cette faculté du pardon face à la perte irrémédiable, à la façon de la réparation qui vous laisse désappointé souvent, que l’on égare pour ne plus savoir les réaliser et vous donne ce sentiment d’impuissance devant cet amour que vous éprouvez comme un claudiquant… que vous ne voulez plus être par amour-propre. Soupire. Pour moi, tout cela est une erreur, bien sûr, car fondé sur des dispositions relatives à sa position sociale que l'on ne veut pas perdre, alors qu'on ne perd rien, sinon qu'une image, un paraître qui semble, je dis bien semble, d'une importance telle qu'elle vaut toutes les autres pertes ; comme le cinéma 3D n'est que la colorisation de l'ombre.