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jeudi, 20 septembre 2007

Taxidermie des émotions

Le mystère le plus interrogeant est celui de la vie sous la forme d’être animés et inanimés. Chacun naît, vit et meurt... selon un processus. Reste une énigme de taille : qu’y a-t-il entre la mort et la vie en tant que sens, mouvement continu de la vie. S’il est connu, dans l’orientation du temps, l’aspect que prend la vie dans sa manifestation particulière qui va de la naissance (ou peut avant : la conception) à la mort (et à la décomposition du corps qui a vécu), rien n’est vraiment su de ce qui se passe entre la mort et... ce que l’on imagine qui est, car il n’y a rien après la mort particulière, bien sûr.

Ainsi, l’être humain, doté de son imagination qu’il s’imagine être à même de résoudre les problèmes qu’elle pose, c’est-à-dire qu’il se pose à lui-même, a-t-il véritablement inventé pour combler cet espace de vide, d’inconnu, d’angoisse qu’il a perçue, au moyen de sa pensée, dans la mort, des systèmes imaginaires. Il faut admettre que le problème a été évoqué par cette angoisse qui a obligatoirement un répondant, une correspondance dans le vécu même de cet être imaginatif. Je veux dire que le questionnement de reconnaître véritablement ce qu’est la mort et ses amadouements, les caresses qu’on lui prodigue en imagination (même s’il s’agit de rites, ceux-ci ne sont que les gestes de ces caresses) proviennent d’une angoisse qui est, elle, bien vivante et que l’on a bien du mal à maîtriser.

Mais pour l’heure, je vais revenir sur les procédés que cette imagination a créés, sans résoudre à proprement dit l’angoisse qui l’a générée, pour s’adoucir ce néant qu’est la mort.

Généralement, chacun de ces procédés sont des copies de dispositions adoptées alors qu’on est vivant. On renaît à la vie-dans-la-mort lorsqu’on est mort. On ne peut admettre que l’on disparaisse totalement ou partiellement à moins de compensations, alors que l’on meurt, et cela pour plusieurs raisons. La première est la mémoire que l’on a des morts auxquels on a soi-même assisté. Les parents, amis, etc. restent dans la mémoire, réapparaissent dans les rêves, ses manifestent dans les ombres. Mais cela n’est que pure imagination ! Le mort est mort et ne peut réapparaître, se manifester, trouver une réalité à son image. Et dans un monde qui prend l’imagination pour une réalité, le rêve pour de la pierre ou de la nourriture, on ne peut penser autrement que selon la réalité que l’on concède aux images.

C’est bien là le hic. La prise de conscience de la lignée à travers la naissance de grands-mères à mères à filles à petites-filles, la notion d’ancestralité, de naissance de la tribu proprement dite et de son originalité ne peut admettre, puisqu’on existe soi, la mort, la disparition de ce qui fait votre substance même, l’élément vivant de la chaîne des corporalités qui vous a donné naissance et à qui vous donnerez naissance.

Le souvenir, la mémoire des faits, la prise de conscience de l’antériorité (expérience commune à l’ensemble du monde vivant, de l’amibe à l’humain), sensation du temps qui passe dans et à travers sa propre existence en tant qu’élément intégré à un ensemble qui vous dépasse mais dont à conscience de la grandeur, de l’incommensurable, de l’innombrable, pose le problème de la reviviscence. Et l’être humain trouve dans le monde qui l’entoure, des éléments qui lui permettent, avec un peu d’imagination, de corroborer ses sensations : la mue des serpents et de certains arbres, le retour du jour et de la nuit, celui des saisons, la naissance proprement dite, et la mort à laquelle on ne croit pas, le retour annuel d’une crue, le printemps, l’été et l’hivers, et le reste.

Passons en revue le passage de la mort à la vie-dans-la-mort. A toujours lieu une nouvelle naissance qui est assez semblable à celle de la vie. À ceci près que le mort passe par une sorte d’initiation à cette re-vie. N’oublions pas que cela est purement imaginaire ! La mort est une étape de la vie dans un ensemble qui va parfois (mais non obligatoirement) d’une réincarnation d’ancêtre, (et obligatoirement) une naissance vraie, une vie vraie, une mort vraie, un chemin vers la revie et la seconde naissance de vie-dans-la-mort qui est, finalement, la naissance de la « vraie » (en imagination) vie, un moyen de ne mourir jamais.

Pour naturaliser tout cela, l’humain (le seul animal sur cette planète qui cherche à retrouver à dehors de soi la réalité de sa pensée) imaginera des précédés, donnera à voir l’image de ces procédés dans des rites mortuaires qui baveront jusque dans son existence même, lui donnant l’orientation adéquate afin de réaliser la vérité de cette imagination... imaginaire. Une sorte de taxidermie des émotions, en somme.

Les dieux sont des concrétions d’émotions, des concentrations d’émotions, des concrétisations d’émotions. Et ces émotions, quel que soit le peuple auquel on se réfère, relèvent toujours de la mort et de l’angoisse qu’elle manifeste, c’est-à-dire l’angoisse qui se stabilise dans les dieux, dans la vie d’angoisse de la vie. Le problème premier de l’être humain réside dans la perception de son angoisse en tant qu’élément séparé de la vie, en tant qu’élément distinct de la vie comme intégrité, entendue comme un tout. Ce qui revient à dire que l’angoisse que soulève la mort, et qui trouve une stabilisation plus ou moins sûre dans les diverses modalités qui entourent la mort, a pour genèse l’angoisse vivante et présente, actuelle, que traverse l’individu vivant, angoisse qui est devenue pour lui incoercible dans une, quelle qu’elle soit, solution tangible, qui la dissolve en réalité et non plus en imagination.

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