mardi, 26 décembre 2006
Cher Mr Noël Lepère
J’aimerais que tu me fasses un cadeau : j’ai envie de mourir et je voudrais bien que tu m’ôtes cette envie par le moyen que tu trouveras le plus approprié. Si je fais appel à toi c’est, crois-le bien, que je suis dépassé par la solitude affective qui m’afflige. Tout devient lourd, la vie quotidienne rude, fade et sempiternelle.
Ma femme est hystérique et chaque fois que je lui procure du plaisir (ce sont les meilleures de ce point de vue !) elle me quitte et ne veut plus me voir. Comment en trouver une autre ? Une des 5 % de saines dans le monde n’est apparemment pour moi, et je fais peur aux autres.
J’ai le cœur gros, je ne comprends pas rien à ce que la société me demande, sinon d’aller travailler et je déteste le travail.
Je ne me trouve plus de passions, d’autant que celles que je requérais de cette société s’amenuisent jusqu’à disparaître : la liberté n’est plus qu’un mot prononcé dans la bouche d’un politicien ou d’un policier. Je me sens coincé de toutes parts, étriqué dans mes mouvements par ce que m’impose d’opérer maintenant cette société. Je ne comprends rien à ce que cette société me demande car ce qu’elle me demande est stupide, méchant envers moi-même, mes congénères et mon environnement, ma planète et qui ne consiste qu’à me faire perdre mon temps pour des idioties, de basses besognes lamentables. Regardes ! Un plombier ou un médecin, un cultivateur ou un maçon sont moins bien rétribués pour leur utile activité qu’un pousseur de balles, un déblateur de télévision ou un chanteur de fond qui ne sont que de prétentieuses décorations du temps : quoi dire ? quoi faire ?
L’amour n’existe plus : il a été rendu malade par des maladies qui sont principalement et d’abord affectives. Les femmes ne vous sourient plus dans la rue, et si vous le faites, vous les avez provoquées sexuellement : elles comprennent que vous les prenez pour des salopes, des marie-couche-toi-là et pourtant elles ne montrent que leur visage de vierge avec leur cul et leur seins en proéminence. L’amour est enfermé dans la famille qui le rend débile avec des petites manies rances qui sont posées comme des jalons de statu quo tant les relations entre les êtres qui la compose sont elles-même rances car elle encore obligée de rester composée.
Je vois la capacité des gens à se prendre en main au nombre incalculable, et à la longueur des rayons des supermarchés qu’elles occupent, de préparations qu’on a élaborées pour eux et qu’ils engloutissent comme des porcs une pâtée. Les uns finissent à l’abattoir, les autres au boulot quotidien dont ils connaissent la nocivité alors qu’ils concoctent ce que d’autres ont prévu pour ceux qui les fabriquent.
J’ai envie de mourir, Mr Noël Lepère et je désire que vous me donniez le moyen de m’en ôter l’envie. Tout est devenu sérieux et booléen ; tout est organisé et réorganisé, encadré et rien ne sort de ces cadres, ne peut plus y trouver d’expression reconnue hors de ces malheureux petits cadres étriqués. L’aventure est filmée, vécue pour vous et minutieusement décrite dans le moindre des aléas qui en font le sel, mais pour ne goûter que l’image de ce sel : « Ha ! que c’était bon ! ». L’aventure s’assure à la Lloyd, mes amis. La sexualité est devenue une telle nécessité qu’elle ne se présente plus que sans l’amour et on s’étonne qu’elle soit rejetée, bannie des cœurs tendres et aimables. La rencontre, cette aventure qui supprime les jours, est morte.
Mais je m’aperçois que j’ai encore écrit cette lettre trop tard cette année, et qu’il va falloir que je m’en sorte encore seul. Merci quand même : si j’y réussis, je ne vous aurez pas dérangé pour rien !
13:40 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Politique
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