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mercredi, 22 septembre 2010

L'aveugle point du lisse

Bien des idées passent et s’évadent dans les éthers, comme des âmes perdues se dissolvent sans plus qu’une trace, pas même une odeur ou une couleur camaïeuse se distingue dans l’azur, subsiste. Lorsque rien ne les renouvelle, comme un air frais que respire la cervelle, une pluie qui abreuve celles qui y sont restées, les bras vous en tombent. Et lorsque les zébrures de l’éclair rageur ne sillonnent plus l’équilibre des cieux et des terres, rien ne les retient plus et elles s’évaporent comme l’eau des flaques au soleil ou sont bues par le temps comme le lapement du chat le lait.

Le vécu antécédent y est pour beaucoup, dans son foisonnement qui se presse à la mesure des asticots sur le rai du présent fermentant, et se bouscule sans pouvoir s’ordonner des tours ou des mots de passage, des distributions et des catégories pouvant en rendre le tri plus facile. Mais trier pour quoi ? puisque que cette fatigue qui vous donne tant de mal à la retenue du folâtre des pensées ne vous permet plus d’y porter votre intérêt ! On met en ordre pour le plaisir de l’autre, pour rendre agréable un énoncé dans lequel il se doit d’y pouvoir être distingué une trame ou un fils, un tissu bariolé dont l’ensemble forme un dessin par l’entrelacs des traits qui s’étalent devant vous et qui aiguise une curiosité dans les surfaces laissées à la vue intérieure à l’aune du déroulement du dessein.

Dans les pires moments de l’adolescence, certains ont reçu comme punition de devoir décrire une boule de billard blanche sur quatre pages sans parler de sa forme ni de sa couleur ; il n’y a pas pire moment que de se retrancher dans la description d’une âme vide pour tenter de lui redonner du plein. L’écriture remplit, mais à une telle lenteur qu’elle laisse à la traîne toute une kyrielle de pas informulés, à la cadence hachée de l’énoncé hésitant du fait qu’il faille extraire du fond du puits profond de ce qui veut perdurer à être, la torture de la formulation. C’est qu’on se trouve, comme devant cette boule blanche, ronde ou sphérique, qui se tourne autour de soi-même sans qu’on en perçoive un seul mouvement sinon que linéaire, au devant de ne rien avoir à dire que sa solitude affective, face au froid du glissant et de l’insaisissable, le geste maladroit où vous trouez le tapis qui vous le rend en croche-pied, une trébuche qu’aucun geste des bras vous fait rattraper et qui vous étale dans votre fatigue, encore, de vous relever. Pour peu que le sol soit jonché des gravillons des arguties et votre peine s’augmente des déchirures périphériques dont la poisse sanguine englue mieux dans le marasme des écorchures de l’âme.

Parler du vide comme de la surface lisse de l’imitation de l’ivoire, verra pour une part sa pénibilité s’évanouir dans la publication qui en sera tout à l’heure faite : communiquer est correspondre, même dans le vide de la toile et donne le sentiment peu éloigné de la sensation d’exister en un endroit situé là où quelqu’un vous lit, sans savoir ni le lieu, ni l’heure de cette situation. Ecrire coûte, surtout quand on en arrache des lambeaux de plaisir de l’outil de la satisfaction par gestes brusques, saccadés, à la manière de la mauvaise humeur où vous noient vos réprobations devenues quasi-sempiternelles devant ce sort terrible qui vous reflète votre impuissance d’un sourire déploré ne signifiant rien d’autre que cette débilité : des chaînes si étroites qu’elles vous scient les chairs du ressenti et si solides qu’on s’y sent suspendu, les membres cordiaux enceints dans ses tours resserrés par le poids de cette âme que vous supportez seul et le bout aussi fin que le cheveu de la déesse de l’amour que vous tenez entre l’index et le pouce et dont la présence est si faible qu’il ne reste que la sensation qu’il va vous échapper sans aucune certitude de sa réalité toujours.

La force de telles illusions indésirées, contrebalancée par le simple fait que la vie tient à vivre, étire le fil et, vous le savez, qu’elle perdure et cela va rompre. On chutera inévitablement en arrière avec un gouffre sous les fesses pour ne plus vous retenir et la vie s’en ira dans cet effondrement de vous là où plus rien ne vous reconnaîtra, où plus rien ne discernera qui vous êtes, plus même vous. Quoi faire ? Ne tient-il qu’à vous seul d’être seul ? Lorsque la boule de billard s’est tournée, pouvez-vous toujours situer son ancien point de repos ?

Pour autant, cet amer qui nage dans votre bouche déteint sur l’ensemble de votre vécu et les distractions que vous vous accordiez pour le plaisir issu d’une petite communauté qu’elles vous apportaient, vous lassent, elles aussi, pour vous enfoncer plus dans ce fouillis désertique. L’isolement se renforce et renforce davantage le sentiment d’impuissance devant les petites misères de la vie quotidienne à qui vous ne pouvez à personne parler pour les diluer dans le temps. Cette page-ci, n’y suffit pas, car personne ne veut lire que le briquet est cassé, que l’adsl fonctionne mal, qu’on a de plus en plus froid aux pieds et aux bouts des doigts et que l’appétit ne vous donne plus l’imagination culinaire à laquelle vous êtes coutumier et qui vous faisait passer le temps du dîner moins dépourvu de nouveauté. C’est pourtant de vie quotidienne dont vous manquez, de partage d’affects, d’effets, de reflets. Le lisse lisse tout faute d’aspérités.

C’est sans secours, on ne peut pas se demander, à soi, du secours, car c’est le manque de l’autre qui vous fait défaut ; cela ne tient qu’à l’autre que vous ne soyez plus seul. Cela tient à vous, bien sûr, mais moitié à l’autre, aussi. C’est-à-dire que vous ne voyez pas où vous pourriez vous porter secours : d’abord les forces commencent sérieusement à vous manquer, ensuite vous ne voyez pas comment vous pourriez vous changer pour rencontrer l’autre. Et quel autre ? Il est où qui vous satisfasse ? En quoi ? On le sait : le bonheur de l’amour est composé du trépied du corps, du cœur et de l’esprit. On sait que cela intéresse encore… mais comment ? Et où ? Dites-le moi ! J’y cours ! même en claudiquant. Quel extrême que de penser que le secours que vous implorez s’enfuira dans la rencontre de l’autre !

Commentaires

quelle beau article

Écrit par : emule | lundi, 27 septembre 2010

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