Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 08 août 2010

Intime solitude

Pas d’idée, c’est la cague. Tant de choses à dire, pourtant, mais radio : nada. Le sexe, les femmes, le travail, le pouvoir : pfeu ! Rien que de l’ennui, finalement. En fait, tout le monde se moque de tout le monde, d’en dire plus serait rajouter à l’ennui l’ennui, sans plus. Et il n’est vraiment pas facile de sortir de l’ordinaire où on trouve de tout pour vous en soustraire. Des films, des romans, des histoires, des malheurs à la télé et le petit qui chope la varicelle ; d’autant qu’il n’y a plus de pain et que c’est dimanche soir et que le congélo est en dégivrage.

Sortir de l’ennui est un problème qui va jusqu’à l’ennui quelque fois. C’est ennuyant, les problèmes : ça apporte souvent des ennuis. Mais je me trompe : ce n’est pas de celui-là dont je voulais parlé, je voulais de l’autre ennui-là, celui où on ne trouve rien à faire, pas même à respirer tant il vous ennuie. Passion : que tchique ! Pas de sang mouvant et brûlant qui circule dans les veines et le cœur est sans cœur, lui-aussi : il vous lâche, le lâche, dans un moment si prégnant où vous auriez tant besoin de sa pulsation, de son tonus, de son don. Ha ! donner son cœur ! et la vie s’allège comme une plume sèche sur un gazon ras à cette caresse aérienne qui passait par-là. Et il y a pire, peut-être, que le don du cœur : c’est l’absence de l’intime. Rien que d’y penser la peur me saisit dans un mouvement descendant où le sang qui réchauffe mes mains s’en va vers je ne sais où des pieds. La présence de l’intime. Voilà un sujet intéressant, mais de discuter de son absence, c’est beaucoup plus flippant ! Il n’y a rien de palpable, de tangible, de chaud, de son, d’odeur et de goût : il n’y a rien. Et ce rien est terrible, car rien ne le peut définir que sa constatation qui passe immanquablement par la résonance de l’intellect branché, dans ce cas, en direct sur l’émetteur de la crainte qui trouve, précisément, sa justification dans cette absence. Terrible, non ? La raisonnance de l’intime absent.

Glurp.

Quand j’étais jeune, vers 20 ans, j’avais un don : je savais ne pas flipper, j’avais acquis, je ne sais comment, le pouvoir de ne pas craindre et de ne pas craindre, non plus, la peur. C’est un don magnifique et je l’aimais beaucoup. Même si je ne puis retrouver précisément les circonstance de sa perte, j’en reconnais encore, dans une ou deux de mes réactions, des traces qui, pour aussi infimes qu’elles transparaissent dans le cours du mouvement du temps (et conséquemment par son côté éphémère) sa présence ne se laisse pas de se faire reconnaître. Et j’adore. Isidore veut dire « cadeau d’Isis ». Isis est cette déesse égyptienne qui, avant de copuler avec son frère, l’a retrouvé en douze morceaux, je crois et le treizième étant son pénis (ce qui signifie que nous sommes dans une société matriarcale : 13 mois de 28 jours + un jour ou deux) pour la féconder (ce qui signifie que nous sommes alors dans une société patriarcale). Je me demande bien quel pourrait être ce « cadeau d’Isis ». Et à destination de qui. Isis en fait est déjà le résultat d’une deuxième transformation du monde : il n’était pas, ensuite il a été et Isis en est la conséquence. Comme dans toutes les société à filiation matrilinéaire, le garçon vient après. Du fait qu’on ne sait d’où il provient, sinon que de ce qui a produit Isis, il vient de la même matrice, il devient inévitablement le frère d’Isis… et en conséquence, elle, sa sœur. La société patriarcale retient qu’elle a été sa sœur et beaucoup moins que lui est son frère. Je dis cela, juste pour situer d’où est le plaisir : c’est toujours intéressant de décrire la topologie affective d’un lieu, afin de mieux le saisir dans un conte qui relate l’origine de l’univers et de l’humain.

Mais pour autant que je possède ce don, dont je parlais précédemment, je me demande parfois comment je fais pour survivre avec si peu d’intime. Et il y a tant de bruits autour de moi ! Et essentiellement des bruits de gens qui travaillent. Les gens qui travaillent sont toujours bruyants, ils font toujours du bruit. Je n’ai jamais compris pourquoi, enfin… l’intérêt qu’ils y trouvent, à être bruyant au travail. Il faut qu’ils se fassent remarquer, ils ne peuvent pas laisser les autres tranquilles : ils travaillent ! Le travail c’est légitime, et oui ! Et quand on travaille, on travaille : rien d’autre que du travail, le reste, macache. L’environnement : walou – vous savez, les PCB, la dioxine, l’agent orange, le Roundup, la radio-activité, les nitrates, les produits issus du pétrole relativement à la quantité extraite, traitée et non-traitée (pollution directe : pipelines, marée noire, etc.) que je ne saurait calculer ce soir, à moins d’y vouloir passer 364 autres ; et de fait, tout est permis ! Le travail tue tout : l’amour, la joie, la vie, le rire, la paresse, l’intelligence en la rapetissant tant que la cervelle d’un alcoolique est encore plus volumineuse, et l’intimité, bien sûr. Le premier meurtrier de l’intime, c’est l’travail. Tout le monde le sait et tout le monde l’oublie pour aller au travail. On le sait, mais on le fait. L’intime ça rapporte pas un rond, n’est-ce pas ? C’est pas lui qui va nous faire bouffer ! Et qui va s’occuper des enfants, qui va les nourrir, les habiller, les protéger ? L’argent ! Et l’argent va s’acquérir en vendant sa force de travail contre la perte de l’intime. Le cercle est bouclé.

J’ai lu, enfin, tourné des pages parce que c’était un peu longuet et vide de sens, d'un bouquin qui parle, entre les lignes, des moyens de l’aliénation de masse de l’aliénation des masses : cinoch, zique, bouquins. C’est tout un monde, bien ficelé avec de l’argent, bien relié avec des histoires à dormir debout dans une ambiance de boîte. Et une opiniâtre détermination qui emporte tout et dont on ne sait d’où elle sort : il faut faire de l’argent. Et la question que je me posais était de savoir comment j’allais bien pouvoir comprendre l’agencement de la trame et du fil de ce baise-gueule de façon à pouvoir le décrire de sorte que mes contemporains s’en rendent suffisamment compte pour que, non pas que mon action soit efficace – ce dont je me contrefous dès le moment où ça marche –, mais que, finalement, ils se déterminent à y mettre fin. J’avoue que j’ai tant l’esprit un peu confus, en ce moment – et j’admettais que c’était là un prétexte à revivigoration – que je m’ai pas réussi dans ce projet. Je pose cela, avec la conscience qui tire la langue après avoir humecté mon crayon, sur l’ardoise de l’absence d’intime… au cas où ! Mais, je ne suis peut-être pas aussi intelligent que je le voudrais, alors que demande pardon.

Ce don, dont je parlais tout à l’heure, je l’aime beaucoup : on peut jouer avec. Pas tous les jours bien sûr ; non : de temps à autre. Son usage est, pour moi, un plaisir des dieux. Le hic, c’est que je trouve très peu de personnes pour jouer avec. Beaucoup très peu, même. Le plaisir de soulever le plaisir. Vous savez… vous voyez un plaisir, par terre. Alors vous vous penchez et faisant un coupe d’accueil de vos deux mains, vous soulevez ce plaisir. On l’entend le plaisir dans une voix, on le voit le vrai plaisir sur un visage : il rayonne, il pétille dans les yeux de l’autre : c’est une merveille. Bien sûr, pour le voir, il faut l’avoir face à soi, du regard. Mais on peut le saisir dans une musique différée, aussi. Je me demande parfois, faute de n’en percevoir pas d’autres sensibles qui peuvent être limités par moi, si ce n’est pas le seul plaisir qui puisse de saisir différé. Non… il y a les images, aussi.

Alors je me demandais, toujours à travers les lignes de ce livre que j’ai épluché aujourd’hui, si le rapport à la réalité qu’implique cette organisation de l’abrutissement des gens ne tenait pas aux gens eux-mêmes ; je veux dire, si ce n’est pas inhérent au genre humain d’être si con et que j’en serais alors, sine qua non mon désarroi, un extra-terrestre, une erreur de la nature dont la conformité n’a plus rien à voir avec mes frères et mes sœurs. Et je comprends ainsi que je sois seul, cela expliquant ceci. Car il est bien vrai que j’ai parfois beaucoup de mal à supporter mes frères et sœurs : ils m’agacent proprement dans une mesure difficilement quantifiable tant le volume, pourtant sec, de son existence, n’équivaut pas à celui du cœur d’un ivrogne (c’est la même, mais la signification change) plein de gras autour et proche de la rupture à celui de ma détresse personnelle.

L’incohérence, cette forme de la formulation mal formulée, ne cache pas obligatoirement quelque chose, elle ne sait souvent pas dire ce qu’elle voudrait dire plus simplement. Et lorsqu’on la détecte, on peut aussi détecter ce qu’elle essaye de dire, en le lui demandant, souvent. Mais ce monde est cohérent et bien cimenté. De sorte qu’on doive possiblement revenir sur son jugement et dire que je suis identique aux autres et qu’il me faut, moi, comprendre, en prenant tout sur moi, que je ne puisse m’y intégrer. Et ça demande quelques explications qui ne sont pas toujours possibles !

Le plaisir n’est pas facile, dans ces conditions mal comprises, à trouver. On ne peut, dit le proverbe, être au four et au moulin. Faut choisir : ou l’un ou l’autre. « Une cervelle, deux muscles, dit-il, en se claquant des deux mains les biceps et le front, successivement ». Et non, ce n’est pas facile et j’ai toujours, dans la plus grande mesure de mon possible, opté pour la facilité : travail ? Ciao ! Je me souviens du matin du sur-lendemain de notre rencontre avec Isabelle : je devais aller au travail, le matin, ou bien rester avec elle. Je suis resté avec elle, bien sûr et je me suis fait viré, pour absentéisme, mais contre la douceur de sa peau, quel bonheur !

Il y a donc toute une organisation autour du travail. Des gens ont râlé suffisamment pour que son bruit reçoive une légère réglementation, mais elle n’est pas aisée à faire appliquée : le travail reçoit un prestige que le reste des choses n’a pas et que malgré leur nombre (dont on peut trouver une proportion logique dans la comparaison de la fortune cumulée des 155 personnes les plus riches à celle cumulée à ce milliard et demi de personnes les plus pauvres) ce reste incommensurable n’en a rien reçu, ne serait-ce qu’une équivalence. Le prestige est parcimonieux, il est très radin et sélectionne ses attributions avec préciosité, intérêt et capital.

La question que je me pose est : comment les gens peuvent-ils être si soustraits de la réalité, de la leur, par des images ; quel est le processus de ce processus qui les immunisent contre leur réalité ? Pense-vous que c’est par modestie que je ne propose pas d’en partager les connaissances, du fait de me croire seul suffisamment intelligent pour résoudre une telle équation ? Non : je pense sincèrement que le partage, entre nous, de cette question pour en tenter de résoudre l’énigme, est très important, crucial et indispensable. S’agit d’en causer les modalités. Faut passer un contrat, une convention et une charte entre nous pour que cela puisse être possible, sinon se réaliser.

Si l’humain contient en soi, comme don, l’hypnotisme de l’image, il doit faire avec et cesser de se faire des morales qu’il ne pourra jamais atteindre, car elles ne font tout simplement pas partie de ses possibles. Il faut reconsidérer les religions, toutes les religions dans cette direction, sinon elles sont un cul-de-sac, pour rester propre. Tout ce que veulent atteindre les religions est hors-propos, hors nous : pas la peine de se mettre en peine pour l’atteindre. Et il faut l’ADMETTRE ! Je crois que c’est là le plus difficile. Admettre que l’on est pas ce qu’on se voit d’idéal est du genre à coincer aux entournures. Pourtant c’est logique : comment un idéal peut-il n’être pas une hypnose ? Ou alors, bien que nous puissions avoir une définition assez proche de l’hypnose, nous n’avons pas la même définition de l’idéal. Et c’est quoi un « idéal » ? Humm ? Un idéal c’est une idée, une pensée repensée, un « concept » dirait Hegel, « l’idée d’une idée », c’est une idée, dis-je, de ce qu’on voudrait pouvoir être (le « pouvoir vouloir être » - ce que je pourrais vouloir être - est plus terre à terre et n’entre pas en ligne de compte). Un idéal est quelque chose qu’on ne peut pas atteindre, soi. Alors on va le chercher chez un/e autre. Et comme, de toutes façons, il ne peut pas vivre chez un autre, cet idéal va chercher à gommer ce qui empêcherait qu’il se manifeste. L’hypnose, c’est ce coup de gomme, pour moi.

Revenir à l’état de grâce du présent procure de l’ivresse que d’aucuns n’hésitent à nommer plaisir. Alors, parfois, lorsque j’utilisais ce don dont je parlais précédemment, je me faisais figure de manipulateur : « les gens avaient du plaisir contre leur gré » me disais-je, « tu n’as pas le droit de faire cela ! » Et je me mettais à avoir peur. Mais il faut du temps pour se l’apercevoir et se l’admettre, le monde humain est continuellement de cet ordre : la manipulation de l’autre et de soi, dans les cas plus avancés. Il y a un mot pour dire le contraire de « manipulation » qui est « sincérité », mais je n’ai pas eu beaucoup l’occasion de l’utiliser : il doit être bien noir, encore, dans les pages du dictionnaire : peu de doigts l’ont caressé.

Le problème de la sincérité est qu’elle est sans détour, alors que le différé et l’indirect qui sont propres à l’humain demandent immanquablement ce détour qui déqualifie la sincérité. C’est quelque chose, là, qui m’échappe : c’est pour moi un grave problème. C’est un grave problème car, si il existe, ce problème pour moi, j’ai tout faux : tout s’écroule à la fois, les temps et les lieux, les joies et les peines, les pierres et les tuiles. Je me joue de vous, n’est-ce pas ? Tendez la seconde. Le différé et l’indirect qui caractérise l’action de l’humain sur le monde, en tout et partout, n’est pas dissociable de la sincérité : ils peuvent contenir la sincérité, c’est un choix ou plutôt la décision que cela n’en soit pas autrement. Sinon ça ne marche pas ! Les uns perdent de leur sens et l’autre est bafouée !

Et mon système tient car il invente, voyez la perversité, le concept de « Spectacle » qu’un autre a défini très bien, mais sans notoire référence à l’existence de la sexuation et de ses implications dans le monde en général, global… enfin.. comme moteur énergétique, bien sûr, comme pompe à pouvoir, comme bulldozer dont le conducteur répond à la loi hébraïque en outrepassant son dissentiment affectif personnel, comme étincelle donnant naissance à tout, donc au spectacle, sans que je veuille donner plus d’importance à mon idée que les gens vivent sans sa perception, à cette sexuation, sans elle et que l’on peut trouver ici une « raison » de cette énergie qui les fait quand même agir. Compliqué, tout ça.

Le renversement de la vie en non-vie ; l’organisation de la marchandise et de sa gestion ; le lien social et le travail. Rien ne fait défaut dans la théorie du spectacle de Guy Debord qui a affirmé avoir beaucoup bu, plus qu’il n’a lu, et je le crois. L’organisation de la frustration. Dixit un spectacleux : « notre métier est d’organiser le désir » et non pas le plaisir : c’est là, dans le désir pour le désir, que la sincérité est dissociée du différé et de l’indirect : un monde où il faut payer de sa vie pour voir et perdre le moment historique et la mémoire de ce que l'on est. Et, pour revenir à ce don, dont je parlais précédemment, une de ses caractéristiques était qu’il remettait là ce qui est là. Qu’est-ce que les gens ont peur du ! Combien ils en sont effrayés ! L’idéal et le … ils le vivent pourtant, ce .

Donc, de loin, dans ce livre que j’ai haché cet après midi, j’ai entrevu que l’hypnose des masses est tributaire de l’absence de leur sens de l’être-là, l’absence de l’intime, indispensable pour devenir. Une pédagogie qui s’est faite peut être défaite. La solution est immanquable : il faut arrêter de travailler pour la découvrir. Arrangeons-nous ! car je ne pourrai le faire seul.

Les commentaires sont fermés.