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lundi, 14 avril 2008

Le dieu du sacrifice /2

(première partie ici)

Tu vas me dire, cher lecteur, que je me trompe : que ce n’est pas le travail, le dieu de nos temps, mais la poursuite éhontée du profit qui est la source de tous nos malheurs. Tu n’as pas tord, mais je n’en ai pas moins raison.

Inversons les choses : c’est pour trouver à faire travailler les autres qu’a été inventée la poursuite éhontée du profit ; c’est pour sacrifier son prochain (je pense y revenir plus tard à cette maladie affective) qu’a été inventé le dieu « travail ». Le travail, moyen d’une disposition affective de l’un vis-à-vis de son congénère, est la coercition nécessaire à cette maladie affective qu’est la recherche éhontée du profit pour se manifester, trouver une effectivité.

Bien sûr, pour cela, il faut sacrifier l’aspect humain chez l’humain, c’est-à-dire la liberté, l’amour sans contrainte, la collaboration, le collectif, la vivacité. Pour cela, la soumission, dès le plus jeune âge, est nécessaire. Et ce n’est pas à cet âge que l’on peut en dire grand-chose pour s’en défendre.

Par exemple : J’ai vécu ceci à ma bibliothèque : un papa et sa petite fille. Le papa feuillette quelques revues. La petite fille (3ans ?) vaque. Elle va vers son père, au demeurant sympathique.
La petite fille : — Papa, caca.
Le père : — Attend un peu, voyons…. La petite fille va se blottir dans les jambes de son père pour intérioriser le désir de l’autre vis-à-vis du sien, d’autant, bien évidemment, que ce père est son pourvoyeur en tout : chaleur, amour, nourriture, abri, permission, assurance, etc. Difficile, même dépourvu d’un jugement critique que cet âge très précoce — 3 ans peut-être— ne permet pas de réfléchir, de trouver à redire.
Mais deux ou trois minutes plus tard, rebelote :
La petite fille : — Papa, caca.
Rebelote, le papa, perdu dans ses lectures : — Attend un peu, voyons…
Je me lève, et vais dire au père : — Bonjour, vous savez qu’il y a des toilettes au rez-de-chaussée et qu’elles sont ouvertes ?
Le père : — Oui, oui, je sais…
Moi : — Votre fille semble avoir envie…
Lui : — Elle va attendre un peu.
Je lui dis : — Cela me semble peu judicieux de la faire attendre.
Lui : — Si, si (c’est lui le « père de l’enfant », n’est-il pas ? c’est lui qui a l’autorité sur cette enfant. Je l’aurais bien prise pour l’apporter aux toilettes, qu’on en finisse avec cette souffrance stupide !), je vais m’en occuper.
Moi : — De mon point de vue, elle n’a pas à attendre.
Ne pouvant tout de même pas chercher la bagarre, j’ai cessé là.

Mais ici on voit ce qu’est la SOUMISSION à l’autre. Et c’est inculqué dès le plus jeune âge, tout connement et inutilement. Comme si d’acquiescer au désir de son OBLIGÉe n’avait pas à vous obliger vous-même : cette petite fille, elle, elle n’a pas demandé à vivre, que je sache : pourquoi donc la faire ainsi souffrir ? Rude période que d’être enfant dans ce bas monde qui se reproduit sans cesse.

C’est ici une des manifestations de cette maladie affective imposée à l’autre : de le faire TRAVAILLER : — « Travaille tes sphincters, ma petite, tu sauras plus tard serrer bien du cul quand tu devras te soumettre à un patron ! ». Pour cela, dis-je, la soumission, dès le plus jeune âge, est nécessaire. Et ce n’est pas à cet âge que l’on peut en dire grand-chose pour s’en défendre.

Pourquoi donc « maladie affective » ? L’exemple donné plus haut montre que pour satisfaire un moment d’accommodement, on sacrifie la liberté de l’autre qui vous la doit. Vous comprenez ? Et cela n’est possible que du moment précis où la considération que l’on a de l’autre commence dans une déficience reconnue, consciente de cette relation à l’autre, dès lors qu’on sursoit à une affectivité réciproque, qu’on la transforme en une forme de pouvoir sur l’autre alors que ce pouvoir c’est soi-même qui le détenons comme règlement d’un problème pratique, directement en relation avec la VIE immédiate : on sait qu’on empiète sur la liberté de l’autre, mais on continue d’empiéter sur cette liberté ; pour divers raisons et moyens : la force, l’autorité matérielle et/ou affective, la prérogative, l’adulation.

((Pour un enfant, ses parents sont des DIEUX qui pourvoient en tout ; c’est une des raisons de l’éducation bien comprise que de faire comprendre, entendre et savoir qu’il n’en est rien, de sorte que l’enfant soit adulte, pas spectateur, comme eux.
Une religion, quelle qu’elle soit, n’est pas seulement la recherche d’une réflexion sur le sentiment cosmique qu’on éprouve de vivre, elle est aussi une tentative de matérialisation de ce sentiment ; et comme on ne matérialise qu’à partir de ce que l’on a sous le nez, la personnification des dieux ressemblera toujours, dans notre cas et encore aujourd’hui, à celle que l’on se souvient de la puissance véritablement véritable de ses parents, pourvoyeurs en tout de sa vie qui ne demande qu’à vivre. Que le parent soit méchant et le dieu sera méchant ; que le parent soit gentil et agréable, attentif et droit, aimant et compréhensif, bien souvent il n’y aura pas grand besoin de personnification à ce sens cosmique : on en jouira pour ce qu’il est : cosmique)).

On voit donc, selon ma démonstration, que le dieu sacrificiel est bien le travail et non pas la poursuite éhontée du profit : on sacrifiera à ce dieu « travail » toute humanité, même la possibilité de guérir cette maladie affective qu’est la recherche éhontée du profit, à laquelle il ne faudra surtout pas toucher.

Force est de constater qu’il y a tout de même quelque chose de paradoxal, ici même : on sait que l’activité humaine détruit la planète et pourtant on n’a jamais été aussi actif qu’à présent ? Faut-il ne pas être malade, affectivement, pour se comporter ainsi ?

Les maîtres ne sont que des esclaves, des soumis, qui règnent sur d’autres esclaves, plus soumis qu’eux. À bas le travail ! Arrangeons-nous.

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