vendredi, 31 octobre 2008
La poésie : le centre humain d’une manifestation du monde
Diverses circonstances ont fait que nous nous sommes rencontrés, avec Patrick Viveret (deux fois dans le cadre des SEL — système d’échange local — et une autre fois dans le cadre de son SOL). Bon… pour, comment dirais-je… poser le tapis de sorte à s’y assoir, je sais que c’est lui qui a initié (ou c’est ce qu’on m’en a dit, mais du fait qu’il est employé par le Conseil économique, je suppose que cela n’est pas injuste) le RMI qui, à l’époque confinait plus de la recherche de paix sociale en achetant les fouteurs de m… qu’aujourd’hui en permettant à des pauvres de sortir la tête de l’eau (on se souvient de De Gaule : « …vu que je suis plus grand que vous, elle ne m’arrive qu’au nez »).
Cette dernière fois, donc, Patick Viveret énonce que c’est la mort, enfin… c’est « la conscience de la mort qui a été le début de l’humanité ». Et j’ai rencontré un autre homme qui faisait référence à cette phrase dans un contexte différent. Je ne suis pas tout à fait d’accord. C’est l’objet de ce message.
C’est donc en partie vrai, mais en seconde instance, que l’humanité s’est bâtie sur la conscience qu’elle a éprouvée de la mort. Selon moi, c’est la conscience de la perte d’amour, le mésamour, qui est le commencement de l’humanité et de sa conscience de la mort.
En d’autres mots. L’amour est le contact avec le cosmos. Sa déficience revient à une déficience du contact indispensable d’avec le cosmos, la vie. Il ressort du mésamour une nostalgie du contact avec lui, le cosmos. La « POÉSIE », l’indiscible explication de la vérité et de la réalité de ce contact (quelqu’en soit la forme, cela n’a aucune importance — c’est la poésie qui prévaut à tout, peu importe la forme qu’elle a adopté au moment où elle s’énonce) est le mot que je donne à ce contact. Car, finalement, l’humain en est arrivé à la perte de la conscience de la poésie.
Le phénomène poétique m’a de toujours étonné : comment un vers peut-il m’envoler aussi haut dans le ciel de mon contact avec la vie ? « Tes beaux yeux sont las, pauvre amante : reste longtemps sans les rouvrir… » « Beau… comme un jour sans enfant battu… », « Toutes les révolutions vont à l’histoire et l’histoire n’en regorge point », « L’injustice est un poison qui, sous des doses excessives, s’avère létal (et il n’en a pas été encore trouvé de dose homéopathique car il n’a pas encore été trouvé de solvant à la réduction à l’impuissance) », « La vie qui passe, passe, passe, passe, la vie qui passe temps / Le temps qui trace, trace, trace, trace, le temps qui trace vie… ».
En d’autres mots. Le mésamour génère une angoisse. Cette angoisse est la perte du contact avec la vie, le cosmos. La perte du contact avec la vie, le cosmos est la source d’une angoisse de la vie, et comme on est en vie, une forme de la vie, la vie angoisse de se perdre. C’est la conscience, c’est la prise de conscience de cette angoisse qui crée l’humanité par la prise secondaire de la conscience de la mort, conscience qui est fille de l’angoisse générée par le mésamour.
Mais la poésie est corrolaire à la vie humaine puisque la vie humaine est de mettre des mots, de la musique verbale, sur la vie. La poésie, sans le mésamour, est différente que la poésie du mésamour. Vous commencez à me comprendre ? Ainsi, la poésie du mésamour deviendra mystique : elle tentera de donner un ordre au monde (ordre directement tributaire de la technologie du moment), compréhension de cet ordre qu’elle considèrera comme UN, LE, contact avec le monde, la vie, le cosmos.
Et le monde humain lui-même sera distancifié par cette forme donnée au monde : tout chez lui devra trouver une explication… qui ne correspondra qu’à SA séparation d’avec le monde, la vie, le cosmos : le mésamour.
Et pour autant, la poésie restera ce contact indiscible qui outrepassera la mésamour. À la question de savoir pourquoi les gens s’agglutinent dans des messes (foots, concerts, meetings, etc.) il sera répondu que les gens courent après la poésie qu’ils veulent apprécier selon leur multitude. La poésie restera toujours l’espace indiscible entre les dires, les images, les formes, les inventions ; même dans les cas de l’horreur, de l’abject et du pourri. Car elle est le fondement de l’humanité : donner des mots aux choses, aux événements, aux êtres pour s’y retrouvent — et non pas l’angoisse de la mort ou de l’abscence qui ne trouvera qu’une forme particulière poétique à chaque étape du temps humain.
Je dois beaucoup à la lecture de Robert Graves (La déesse blanche, les mythes grecs et le Roi Jésus), car c’est lui qui m’a fait contourner son problème ; et aussi à Jennifer. Je veux montrer le même courage que lui pour qu’un autre contourne la perception du mien : lorsque l’humain aura compris que le fait d’aller le matin à son turbin est une forme de poésie qu’il ne peut que manifester, il se posera (peut-être !) la question de la forme qu’il veut lui donner.
Cependant, doutant qu’il fasse la relation entre le mésamour qu’il entretient contre lui dans son âme et le vide de sa vie, la petitesse de l’amour cosmique qu’il réalise, je ne me pose pas du tout comme solution à NOTRE problème vital : l’entretien de la vie pour vivre.
Comment voulez-vous que quelqu’un qui ignore tout
a) qu’il est en perpétuel recherche de ce que j’appelle « état poétique » ;
b) qu’il ignore totalement ce qu’est un « état poétique » sinon que devant sa télé, un but marqué par son équipe de foot préférée ou un coup de pine de son acteur pornographique adoré dans le con de la plus belle nana qu’il ait trouvé à voir sur un écran tactitilographique ;
c) qui, du fait du mésamour, n’entretiendra un « état poétique » que comme handicapé ou déficient amoureux ;
d) qui ne soit pas ce qu’il réalise alors qu’il le fait : qu’il ne sait pas ce qu’il réalise POÉTIQUEMENT de sa vie (a, b, c) ; ce qui rend sa poésie poussive, toussive, rébarbative, indécente, nocive même au monde dans lequel il vit et ne peut QUE vivre,
résolve le problème de la poésie ?
Il TRAVAILLE à la poésie : ce qui dénude sa poésie de vibration trans-miscible ; ce qui extrait sa poésie de correspondance alternative ; ce qui réduit sa poésie à une branche hivernale au cours de l’été et rend étrange la chatoyance d’un vert de granie-smith sur les étals d’hivers. Le sens du poétique, de l’amour, été perdu, la vie a été égarée et le cosmos oublié ; l’intégration de l’humain par son humanité au monde a été inventorié dans les relents des comptes en banques constipés, des obligations étatiques calculiques, dans les culs de basses-fosses des rigueurs policières qui répondent finalement à cette sorte — et toujours temporelle — peur de la mort : le mésamour.
Qu’importe la forme ! Vous comprenez ? Comment voulez-vous qu’un tel être s’en sorte ? sans, justement, ce qui lui est nécessaire pour s’en sortir ? sans ce qui ferait qu’il s’en sorte ? LUI ?
Car, le plus étrange dans cette étrange histoire est qu’on a, à aucun moment, conscience du mésamour : on ne sait absolument pas qu’il existe, ce mésamour et, donc, comment y remédier ? Ô dieux de la poésie, ô dieux de l'amour, quel perte !
21:07 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poeme, politique, humanitaire
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