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dimanche, 05 février 2006

Drôle de vie

Je pourrais écrire un roman, le scénario d'un film, c'est facile, qui plaise. Il faut :

- un chef rustre,
- un prétendant à la chéfitude sans véritable expérience, naïf même et "sincère",
- une fille du chef,
- une fille de la classe sociale du prétendant,
- des amis à chacun, dont certains vont de l'un à l'autre ;

et un cadre où se place l'action, avec des variantes et des dangers divers (le plus prégnant étant de montrer un aspect de la nature en pleine fureur, qui met en danger de mort, de longue souffrance, montrant à son tour le courage, la ténacité, l'abnégation des héros, tout autant que la fragilité de la rigueur de leurs exigences personnelles), action, donc où :

- la bêtise du chef, ou l’ennemie du genre humain, se montre dans toute sa splendeur, mais aussi dans toute la force de son expérience ;
- l'intrépidité du prétendant, qui sera sanctionnée sans que cela soit vraiment une catastrophe du fait de son manque d'expérience (expérience qui doit laisser en transparence un défaut de l'intelligence c'est impératif, une restriction à l’entendement), montre ses limites ;
- la fille du chef (ou bien la fille du peuple, suivant à qui on octroie la place de gagnante finale) coincée entre l'amour filial, ou de classe, et l'amour que suscite le bel étranger à la famille, souffrira les affres de l'indécision jusqu'à un moment clef qui montrera la générosité du prétendant, l'opportunité de ses décisions et de ces choix, etc. tandis que son adversaire se verra, le plus souvent, vouée à l’opprobre.

Les pertes matérielles et corporelles (bêtes divers et humaines) seront des moments poignants et tragiques, très bruyant, les séparations morales comme physiques seront indispensables, le courage, la grandeur d'âme donneront le sentiment de vouloir soi, comme spectateur, sauver le héros d'image ou de papier et, dans un roman ou un film un peu plus "psychologique", les sentiments humains seront montrés pour ce qu'ils sont : des sentiments humains, tout cons, dont la vie et l'organisation sociale où l'action se passe ne peuvent se défaire. Ces sentiments seront mis en opposition fragilement mais favorablement avec la vilenie du chef, son manque d’humanité, de commisération vis-à-vis de la veuve et de l’orphelin, de son prêt-à-tout pour conserver ses prérogatives.

L'ensemble doit lutter contre les tourmentes d'une nature en furie devant lesquelles l'humain doit retrouver une sorte d'humilité. Ce qui ne l'empêchera pas de continuer de pourrir son monde avec son industrie de labeur, bien sûr, une fois le roman fermé, ou que la salle a retrouvé à nouveau ses lumières.

Il y aura un moment intense de rapprochement amoureux, que l'on détaillera dans le plus intime, qui opèrera caractériellement la confirmation de la jonction ou de la scission des deux chefs par l'intermédiaire de la femme.

Pour finir, il faudra montrer que le prétendant, ayant adopté l'expérience du chef, acquisition qui fait l'objet même du film ou du roman, a soit :

- raidi le chef, qui doit alors mourir de la main du prétendant à la chéfitude,
- assoupli l'obstination apparue délirante du chef, qui transmettra alors son pouvoir légitime légitimement au prétendant, d'une manière moins violente et plus grave car, finalement, "un vrai chef commence toujours comme toi : par désobéir".

Bien sûr, il s’agit essentiellement de savoir qui va commander qui, quoi et comment. Le « qui » sont ces adulateurs de salariés, le « quoi » c’est tout simplement d’obnubiler les esprits de sorte à les écarter d’une évidente et indispensable critique du travail, et le « comment » c’est de retourner à l’usine, derrière un bureau ou un tiroir-caisse, puisque l’on est devenu, par la même occasion, aussi le chef des polices, ou des armées et que si l’on n’est pas d’accord, il n’y a pas de place pour vous dans cette organisation sociale.

Comme le faisait remarquer quelqu'un : " on ne parle que très peu de la platitude de la réalité dans la phrase ' Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants ' " qui apparaît après l'aventure de la rencontre, car ce qui paraît extraordinaire, et est montré ainsi dans ces romans et scénarios, la rencontre, est effectivement devenu une aventure ardue et pénible, longue et souvent stérile. Le bruit de sa richesse intrinsèque, et des images, est tout ce qu'il en reste, aujourd'hui car son âme est étouffée dans ce bruit et ces images.

Je n'écrirai donc pas de roman ou de scénarios pour l'étouffer plus encore.

10:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Blog

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